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rise la conduite ordinaire des marins. Ithuel lui-même, malgré sa haine contre les Anglais, et les craintes bien fondées qu’il devait avoir, s’il était encore une fois prisonnier à bord de la Proserpine, finissait son déjeuner avec l’appétit d’un homme qui avait travaillé toute la matinée. Tous semblaient ne pas songer à leur situation critique, et Raoul sentit que toute la responsabilité pesait sur lui seul. Heureusement il n’était pas homme à reculer devant un devoir, et il employa le seul moment de loisir qu’il était probable qu’il aurait pendant tout le reste de la journée, à réfléchir aux ressources qui lui restaient et à mûrir ses plans.

Tout l’armement du lougre y restait encore, mais il était douteux qu’il pût être remis à flot sans être déchargé de ce poids. En admettant cette nécessité, il s’élevait la question de savoir ce qu’on en ferait afin de pouvoir s’en servir en cas d’attaque. On pouvait manœuvrer deux ou même quatre des plus légers canons sur le pont de la felouque, et il y en fit transporter sur-le-champ quatre avec une quantité convenable de boulets, de mitraille et de gargousses. Vingt hommes placés sur ce léger bâtiment, qu’Ithuel avait reconnu pour être bon voilier, pouvaient rendre les plus grands services. Un des îlots était couvert de ruines qu’on croyait être celles d’un ancien temple. Il était vrai qu’il n’en restait que des débris qu’on apercevait à peine à quelque distance ; mais quand on les aurait examinées de près, il serait peut-être possible, en faisant un emploi judicieux de quelques gros blocs de pierre, d’en former une espèce de retranchement, derrière lequel un détachement pourrait se mettre à l’abri des armes employées ordinairement sur les canots. Raoul descendit seul sur sa yole, prit lui-même les avirons, aborda sur cet îlot, et en repartit après avoir examiné avec soin quel parti on pouvait en tirer. Après cet examen, tous ses plans furent bientôt arrêtés à sa satisfaction.

Le temps ordinairement accordé pour le déjeuner étant écoulé, tout l’équipage fut appelé sur le pont. Raoul donna à chaque officier ses instructions sur ce qu’il avait à faire, et mit sous ses ordres le nombre d’hommes convenable. Comme Ithuel avait pris la felouque, il crut juste de lui en confier le commandement. Il le chargea de disposer ses quatre pièces de canon de manière à en tirer le meilleur parti possible, et de faire tous les préparatifs de combat qu’il jugerait nécessaires. Enfin, on fit passer de la cale du lougre dans celle de la prise une partie des objets qu’on n’avait pas cru devoir jeter à la mer.

Un autre détachement, sous les ordres du premier lieutenant, transporta sur l’îlot ou se trouvaient les ruines, de l’artillerie légère,