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nière prise, y et le Feu-Follet tirait même depuis ce temps plus d’eau qu’il n’en fallait pour sa meilleure allure. En un mot, tout ce dont on pouvait se passer fut jeté à la mer, et l’on ne garda que les approvisionnements nécessaires pour arriver en Corse, où le capitaine avait dessein de se rendre dès qu’il aurait remis son bâtiment à flot.

La Méditerranée n’a pas de marées régulières, quoique son eau monte et descende à certains intervalles d’une manière sensible, mais irrégulièrement, soit par suite des vents, soit par l’influence des mers voisines. Cette circonstance prévenait le danger que le Feu-Follet ne fût jeté à la côte par la haute marée ; mais d’une autre part, elle privait les marins de l’avantage de pouvoir profiter du flot. La mer laissa donc le lougre dans la position où l’accident l’avait placé, et les marins ne purent compter que sur leurs efforts pour l’en tirer.

En ce moment critique, Raoul fit tout ce qu’exigeait la responsabilité dont il était chargé. Une heure de travail actif, bien dirigé et continué avec persévérance, apporta un changement matériel à l’état des choses. Le nombre des travailleurs était grand, comparativement à la petitesse du bâtiment qu’il s’agissait d’alléger ; et au bout du temps dont nous venons de parler, un officier fit rapport au capitaine que les lames du fond commençaient soulever le bâtiment, qu’il ne tarderait pas à talonner, et que, dans ce cas, il ne pouvait manquer d’être défoncé. C’était un motif pour ne pas décharger davantage le lougre, et pour achever les préparatifs qu’on avait commencés pour le relever, car il n’aurait pas été prudent de différer cette mesure après que la diminution du poids permettait de la prendre. La chaloupe qui avait été mouiller une ancre au large revenait à bord avec le bout du câble ; mais, par un aussi grand fond, le succès de cette manœuvre était bien douteux, et il était à craindre que le câble appelant presque à pic, l’ancre ne pût tenir et ne chassât en virant sur le câble.

À l’exception de cette difficulté, tout paraissait propice en ce moment. Le vent était tout à fait tombé ; la brise du sud n’avait duré que très-peu de temps, et nulle autre n’y avait succédé. La mer n’était certainement pas plus agitée qu’elle ne l’avait été depuis le commencement de la matinée, et c’était presque un calme plat. Rien n’était en vue que la felouque, et non-seulement elle était en la possession d’Ithuel, mais elle n’était qu’à un demi-mille des rochers, et chaque minute l’en rapprochait encore. Encore dix minutes, et elle serait près du lougre. Raoul s’était assuré qu’il y avait assez d’eau autour du Feu-Follet pour permettre à un bâtiment comme sa prise d’y toucher, et il y avait sur le pont un grand nombre d’objets prêts à être