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sont pas chiches, et j’aurais pu me croire cousin de leur roi, si j’avais voulu seulement signer mon nom sur leur rôle d’équipage. Ce M. Clinch est assez bien, au total, et c’est le groog qui est son plus cruel ennemi.

— Ho ! du canot ! cria encore Clinch, qui était alors à une centaine de toises, avançant vers le cap. Raoul et Ithuel cessèrent machinalement de ramer, croyant qu’ils étaient hélés une seconde fois par l’aide-master qui avait quelque chose à leur communiquer.

— Ho ! du canot ! répéta Clinch. Répondez vite, ou vous aurez de mes nouvelles.

— Oui ! oui ! répondit une autre voix. Est-ce vous, Clinch ?

— Oui ! oui ! N’est-ce pas vous, monsieur Yelverton ? Je crois reconnaître votre voix.

— Vous ne vous trompez pas. Mais faites moins de bruit. Qui héliez-vous il y a deux ou trois minutes ?

Clinch commença à répondre ; mais comme les deux canots avançaient l’un vers l’autre, ils n’eurent plus besoin de parler très-haut pour s’entendre. Pendant ce temps, Raoul et Ithuel reposaient sur leurs avirons, n’osant presque toucher l’eau, et écoutant avec une attention qui leur permettait à peine de respirer. Ils s’aperçurent bientôt que les deux canots ne pouvaient être à plus de cent brasses de la petite yole, et Ithuel savait que c’étaient les deux meilleurs de toute l’escadre anglaise ; car Cuff et ses lieutenants avaient gagné plusieurs paris à différents officiers d’autres bâtiments sur la vitesse respective de leurs embarcations.

— Chut ! s’écria Ghita en tremblant. Ô Raoul ! ils arrivent !

Ils arrivaient réellement et avec une vitesse si rapide et un silence si profond qu’ils n’étaient guère qu’à cent brasses de la yole, quand Raoul et son compagnon prirent véritablement l’alarme, et plongèrent leurs avirons dans la mer. On pouvait entrevoir les deux canots, quoique l’ombre des côtes augmentât l’obscurité de la nuit au point de rendre indistincts les objets qui étaient même à moins de distance. Un danger si subit et si imminent éveilla toute l’ardeur qui pouvait se trouver en Carlo Giuntotardi. Il prit la barre pour gouverner, et gouverna bien, car un long séjour sur la côte le lui avait appris, et il chercha à s’avancer parmi les rochers, dans la double vue de se cacher encore davantage sous leur ombre, ou de pouvoir débarquer sur le rivage, si les circonstances l’exigeaient.

Il fut bientôt évident que les Anglais gagnaient de vitesse sur les fugitifs. Quatre avirons contre deux rendaient la partie inégale.

— Ô mon oncle ! s’écria Ghita, les mains appuyées sur sa poitrine