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nuyer d’une conversation à laquelle il ne pouvait prendre part, et il l’interrompit fort à propos.

— Signor Barrofaldi, dit-il, tenons-nous-en au lougre. Tous nos motifs de doute nous ont été suggérés par Tommaso Tonti, et tous les siens prennent leur source dans le gréement du bâtiment du signor Smit. Si ce gréement peut s’expliquer, qu’avons-nous à nous inquiéter de bicsi, bocsi, bucsi ?

Le vice-gouverneur lui-même n’était pas fâché de trouver une porte pour sortir avec honneur d’une discussion sur la langue anglaise ; et faisant au podestat un signe d’assentiment, il dit, après un moment de réflexion pour former un nouveau plan d’enquête :

— Mon voisin Vito Viti a raison, et nous nous en tiendrons au lougre. — Tommaso Tonti est un marin plein d’expérience, et le meilleur pilote de l’île d’Elbe. Il dit que le lougre est un genre de bâtiment très-commun dans la marine française, mais qu’on n’en trouve pas dans celle d’Angleterre, ou du moins qu’il n’en a jamais vu.

— Tommaso Tonti ne se montre pas bon marin en cela, Signor. Il se trouve beaucoup de lougres dans la marine anglaise, quoiqu’il y en ait certainement davantage dans celle de France. Mais j’ai déjà appris au signor Viti qu’il existe une île nommée Guernesey qui appartenait jadis aux Français, mais qui appartient aux Anglais depuis plusieurs siècles. Cela suffit pour expliquer les différences qu’il a remarquées dans notre gréement. — Nous sommes de Guernesey ; notre lougre a été construit à Guernesey, et il est tout simple que son gréement s’en ressente. — Il est à demi français, j’en conviens.

— Voilà qui change tout à fait la face des choses. — Voisin Viti ; ce que le signor capitano vient de dire de cette île, de ses habitudes et de son origine, est exactement vrai. Si nous pouvions avoir la même certitude sur les noms, il ne nous resterait rien à désirer. Giac Smit et Ving y Ving sont-ils des noms appartenant à Guernesey ?

— Pas exclusivement, Signor, répondit le capitaine pouvant à peine s’empêcher de rire, car Jacques Smit est un nom si anglais que nous formons peut-être la famille la plus nombreuse de toute l’Angleterre. La moitié des nobles de cette île se nomment Smit, et maintenant il y en a quelques-uns qui s’appellent Jacques. Mais la petite île de Guernesey a été conquise par les Anglais, et nos ancêtres qui ont fait cette conquête y ont porté leur nom. Quant à ving and ving, c’est de l’excellent anglais.

— Cela me semble très-raisonnable, Viti ; et puisque le signor