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Leur discussion était si animée et si bruyante, qu’ils perdirent à peine une demi-minute. Ithuel donna le signal, et Raoul, se tenant des deux mains à la corde, et poussant des pieds le canon, fut bientôt hors du sabord, et se trouva aussitôt suspendu perpendiculairement sous les grands porte-haubans. Se laisser ensuite glisser légèrement et sans bruit dans le canot ne fut l’affaire que d’une seconde. Quand ses pieds touchèrent un des bancs, il vit qu’Ithuel l’y avait déjà précédé. Celui-ci le tira près de lui ; ils se couchèrent tous deux au fond du canot, Ghita les cacha en les couvrant de sa mante. Carlo Giuntotardi était habitué à conduire un canot comme celui sur lequel il était, et il ne fit que retirer sa gaffe d’une des chaînes qu’il avait accrochée. La frégate continua lentement sa route en avant, et les laissa, au bout d’environ une minute, à une centaine de pieds en arrière dans ses eaux.

Jusque-là tout avait admirablement réussi. La nuit était si obscure, qu’elle donna aux deux fugitifs la hardiesse de se relever, de s’asseoir sur les bancs, et de prendre leurs avirons, quoique avec beaucoup de précautions et sans bruit. Les avirons furent bientôt dehors, et Raoul tressaillit de plaisir en voyant la forte impulsion qu’avait reçue le canot au premier coup qu’il en donna.

— Doucement, capitaine Raoul, doucement, dit Ithuel à voix basse ; nous sommes encore à portée de voix de la frégate. Encore cinq minutes, et nous serons assez éloignés pour qu’on ne puisse plus nous voir ni nous entendre, et alors nous pourrons gagner le large, si bon nous semble.

En ce moment, ils entendirent piquer quatre coups à bords de la Proserpine, signal qui annonçait la fin du second petit quart qui se termine à huit heures ; on appela le quart qui devait remplacer le précédent, et il parut y avoir un grand mouvement sur la frégate.

— C’est tout simplement les hommes de quart qui montent sur le pont, dit Raoul, qui s’aperçut que son compagnon avait l’air inquiet.

— On ne fait pas ordinairement tant de bruit pour relever le quart. — Et qu’est-ce que cela ?

C’était évidemment les palans qu’on affalait ; et le moment d’après on entendit le bruit d’un canot qu’on mettait à la mer.