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ment au besoin. Le commerce d’une pareille ville devait se faire à dos d’âne et de mulet, comme celui dont il est parlé dans la Bible.

— N’importe comment il s’y faisait, il est certain que le commerce y était considérable autrefois. — Il ne paraît y avoir sur cette côte aucun endroit où puisse se cacher un lougre comme le Fiou-Folly, Strand.

Le maître d’équipage sourit d’un air malin, et l’expression de sa physionomie annonçait un homme qui ne voulait pas confier aux autres tous ses secrets.

Le Fiou-Folly est un bâtiment qu’il n’est pas probable que nous revoyions jamais, capitaine, dit-il pourtant, comme s’il eût pensé que le respect exigeait qu’il répondît à son commandant.

— Pourquoi cela ? la Proserpine est habituée à trouver ce qu’elle cherche.

— Cela peut être vrai en général, capitaine ; mais je n’ai jamais vu trouver un bâtiment après qu’on l’a déjà cherché trois fois. Tout semble marcher par trois dans ce monde ; et je regarde toujours une troisième chasse comme décidant la question. — Faites attention, capitaine : — il y a trois classes d’amiraux, — trois couleurs pour les pavillons, — trois mâts sur un bâtiment, — trois ponts sur les vaisseaux du plus haut bord. D’une autre part, il y a trois planètes…

— Trois planètes ! Je voudrais bien savoir comment vous les nommez ?

— Le soleil, la lune et les étoiles, capitaine. Cela fait tout juste trois, suivant mon compte.

— Et que faites-vous de Jupiter, Mars, Mercure, etc., sans oublier la terre ?

— Ils sont compris dans le reste des étoiles, capitaine, ce ne sont pas des planètes. — Regardez autour de vous, et vous verrez que tout y va par trois. Nous avons trois huniers, trois focs, trois perroquets…

— Et deux voiles basses, dit le capitaine, pour qui cette théorie du nombre trois était toute nouvelle.

— Cela est vrai, quant au nom, capitaine ; mais Votre Honneur se rappellera que la brigantine n’est pas autre chose qu’une basse voile de goëlette, gréée au mât d’artimon, au lieu de l’être comme autrefois sur une basse vergue nommée ourse.

— Mais ou ne trouve à bord d’aucun bâtiment ni trois capitaines, ni trois maîtres d’équipage, maître Strand.

— Non, certainement, capitaine, parce que, s’il y en avait trois, on ne saurait auquel obéir, et la manœuvre irait mal. Mais cependant, capitaine, la doctrine des trois se retrouve dans les plus petites choses.