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— Pardon, capitaine, mais je ne pense pas de même. Je disais tout à l’heure à quelques matelots de l’avant qu’il y avait dans les environs de Londres des lords qui avaient fait construire dans leurs parcs des montagnes plus belles que celles-ci, uniquement pour le plaisir de les regarder ?

— Diable ! vous leur avez dit cela ! Et qu’ont répondu ces matelots de l’avant ?

— Que pouvaient-ils répondre ? Cela prouvait la supériorité d’un Anglais sur un Italien, et cela finit l’affaire. — Vous souvenez-vous des Indes, capitaine ?

— Des Indes ! Sur ma foi, presque toute la côte entre Bombay et Calcutta est aussi plate qu’une crêpe.

— Je ne parle pas de ces Indes-là, capitaine ; j’entends les autres. Je parle des îles et des montagnes près desquelles nous passâmes quand nous étions à bord du Rattler. Votre Honneur n’était encore que midshipman alors, mais vous montiez assez souvent dans le gréement pour ne rien perdre de ce qu’il y avait à voir. — Et il en était de même tout le long de l’Amérique.

Tout en parlant ainsi, Strand jetait avec complaisance un regard sur les vieux matelots qui se tenaient un peu à l’écart par respect, comme pour leur dire : voyez quel vieil ami de votre capitaine vous avez le bonheur d’avoir en la personne de votre maître d’équipage !

— Oh ! vous parlez des Indes occidentales ? C’est approcher davantage de la vérité. Cependant elles n’offrent rien qu’on puisse comparer à ceci. Voyez ces belles montagnes couvertes d’habitations qui descendent jusque sur le bord de la mer.

— Quant à ces habitations, capitaine, que sont-elles, comparées à une rue de Londres ? Entrez dans Cheapside, par exemple, et, tout en marchant, comptez les maisons à tribord, et je réponds sur ma vie qu’en moins d’une demi-heure vous aurez compté plus de maisons qu’il n’y en a sur toutes ces montagnes jointes ensemble. Et faites attention qu’en comptant à tribord, ce n’est que la moitié, car chaque Jack à tribord à sa Jenny à bâbord. Après ce que j’ai vu dans toutes mes croisières, capitaine, je regarde Londres comme la plus belle vue qui soit dans la nature.

— Je n’en sais rien, Strand ; mais en fait de côtes on peut se contenter de celle-ci. — Cette ville que vous voyez là-bas se nomme Amalfi. On dit que c’était autrefois une place très-commerçante.

— Une place commerçante, capitaine ! — Sur ma foi, ce n’est qu’un petit village, ou tout au plus un bourg, bâti dans un creux. On n’y voit ni port, ni bassin, ni même un chantier pour y radouber un bâti-