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— Dans l’embarras, capitaine ? le Feu-Follet n’est qu’un embarras perpétuel. — J’ai essayé de calculer sa route.

— Vous ?

— Oui, moi, Ithuel Bolt, — car c’est mon nom en pays étranger aussi bien qu’en Amérique, — et j’ai essayé avec tous les moyens de thermomètres, de lignes de sonde, de logarithmes, et de tout ce qui est nécessaire pour cela, comme vous le savez, capitaine Cuff ; eh bien ! je n’ai jamais pu dire, qu’à une centaine de milles près, l’endroit où il était quand j’avais fini mon calcul.

— Je n’en suis nullement surpris, Bolt ; mais ce que je désire en ce moment, c’est de savoir précisément dans quelle position vous croyez que le lougre doit être à présent. Et ne vous inquiétez ni de thermomètres ni de logarithmes, car j’ai dans l’idée que vous ferez mieux vos calculs sans cela.

— Qui sait si cela n’est pas vrai, capitaine ? Je vous dirai donc que mon idée sur le Feu-Follet est qu’il est maintenant quelque part à la hauteur de l’île de Capri, sous une petite voilure, attendant que le capitaine Roule et moi nous soyons de retour, et prenant bien garde de ne pas laisser approcher de lui quelque croiseur anglais.

Or, non-seulement telle était précisément la position du lougre en ce moment, mais Ithuel croyait véritablement que c’était celle qu’il devait occuper alors. Rien n’était pourtant plus loin de son intention que de trahir ses anciens compagnons. Il était assez fin pour avoir découvert que Cuff n’était pas disposé à le croire, et il lui avait dit la vérité afin de la faire passer pour un mensonge, et mettre ainsi le Feu-Follet à l’abri de tout danger. Sa ruse réussit. Toutes ses manières annonçaient tant de fourberie et de fausseté, que Cuff et Griffin ne crurent pas un mot de ce qu’il venait de leur dire ; et après lui avoir fait quelques autres questions, auxquelles il ne répondit pas d’une manière plus satisfaisante, ils le congédièrent assez brusquement en lui conseillant, pour son propre intérêt, de ne négliger aucun des devoirs qu’il avait à remplir.

— Nous n’en sommes pas plus avancés, Griffin, s’écria le capitaine désappointé et piqué. Si Clinch éprouvait quelque retard, s’il arrivait que l’amiral eût accompagné le roi à la chasse, que pourrions-nous faire ? Plût au ciel que nous n’eussions pas quitté notre mouillage à Capri ! De là, nos communications avec le vaisseau amiral auraient été faciles. Si nous ne recevons pas de bonnes nouvelles d’ici à quelques heures, je ne me le pardonnerai jamais.

— Quand on a fait tout ce qu’on a pu, capitaine, on doit avoir l’esprit en repos. On ne peut prévoir tous les événements. Ne pour-