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s’il y en a ; et je suis convenu avec lui d’un signal qui pourra nous faire connaître le résultat de sa mission, même à la distance de huit ou dix lieues.

— Lord Nelson ne vous a-t-il laissé aucun pouvoir discrétionnaire ?

— Aucun ; à moins que M. Yvard ne consente positivement à nous livrer son lougre. En ce cas, je suis autorisé à surseoir à l’exécution ; jusqu’à ce que je puisse communiquer de vive voix avec l’amiral.

— Que cela est malheureux ! — Mais est-il impossible, capitaine, de donner à l’affaire une tournure qui vous permette d’user de ce pouvoir discrétionnaire sans l’avoir précisément reçu ?

— Cela est aisé à dire quand on n’est chargé d’aucune responsabilité, monsieur Griffin, répliqua le capitaine d’un ton un peu sec ; mais j’aimerais mieux faire pendre quarante Français que de recevoir une rebuffade de Nelson pour n’avoir pas fait mon devoir.

Cuff disait peut-être plus qu’il ne pensait véritablement ; mais les commandants d’un bâtiment de guerre ne sont pas habitués à peser leurs paroles, quand ils daignent entrer en discussion sur un objet quelconque avec un officier subalterne. Quoi qu’il en soit, cette réponse mit un frein au zèle de Griffin, mais la conversation n’en continua pas moins.

— Eh bien, capitaine, je puis vous assurer que nous désirons tout autant que vous de ne pas avoir une pareille scène à bord de cette frégate. L’autre jour encore nous nous vantions à quelques officiers du Lapwing qui étaient venus nous voir, qu’il n’y avait jamais eu à bord de la Proserpine aucune exécution en vertu d’une sentence d’un conseil de guerre, quoiqu’elle tienne la mer depuis près de quatre ans, et qu’elle ait soutenu le feu dans sept combats réguliers. — Dieu veuille, Griffin, que Clinch trouve l’amiral, et qu’il soit de retour à temps !

— Que penseriez-vous, capitaine, d’envoyer le vice-governatore au prisonnier pour lui tâter le pouls ? Peut-être lui persuaderait-il d’avoir l’air de consentir à faire ce qu’on lui demande, ou quelque chose de ce genre qui justifierait un sursis. On dit que les Corses sont les hommes qui ont l’esprit le plus subtil dans ces mers, et l’île d’Elbe est si voisine de la Corse qu’il est probable qu’il n’y a pas beaucoup de différence entre les habitants.

— Oui, votre vitché est un homme d’un esprit très-subtil : il en a donné de si bonnes preuves dans ses entrevues avec M. Yvard, que, s’il en avait encore une, on doit croire, en effet, que rien ne lui serait plus facile que de le tromper.