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la délicatesse de la placer avec la jeune Italienne dans la grande chambre de l’avant, qu’elles occupaient ensemble, et où elles prenaient leurs repas, et il avait donné à Giuntotardi une chambre qui en était voisine. L’oncle et la nièce n’étant regardés, sous aucun rapport, comme criminels, l’intention du capitaine avait été de les faire mettre à terre dès qu’il avait vu qu’ils ne pouvaient donner aucune information sur la situation du lougre, et il n’en attendait que l’occasion. Ithuel avait repris son service à bord, et il avait passé la moitié de la matinée dans la grande hune. Le canot sur lequel ils étaient arrivés, et qui gênait sur le pont, fut mis à la mer, et pris à la remorque en attendant le moment où il serait rendu à Giuntotardi et à sa nièce, quand ils auraient la permission de partir. Cependant le capitaine en différa le moment jusqu’à ce qu’il eût doublé la pointe de Campanella et qu’il fût rentré dans la baie de Naples, car il pensa qu’il serait cruel de laisser à la dérive deux individus semblables, À une distance éloignée de l’endroit où ils devaient débarquer.

La situation de Raoul Yvard était bien différente. Il était sous la garde d’une sentinelle dans la batterie, en attendant le moment terrible où son exécution devait avoir lieu. Sa sentence était universellement connue à bord de la frégate, et il y inspirait de l’intérêt, quoique les punitions, les morts dans un combat, et les autres incidents de la vie sur mer pendant une pareille guerre, fussent trop fréquents pour produire une forte sensation à bord d’un croiseur aussi actif que la Proserpine. Cet intérêt allait même chez quelques-uns jusqu’à la compassion. Winchester était un homme plein d’humanité, et il faut dire à son honneur que ni sa défaite ni sa blessure ne lui avaient laissé de rancune ; or, en sa qualité de premier lieutenant, il était en son pouvoir de faire bien des choses pour adoucir la situation du condamné. Il l’avait fait placer entre deux sabords ouverts, afin que l’air circulât librement, ce qui n’était pas un avantage à dédaigner dans un climat si chaud, et il avait fait entourer cet espace d’une sorte de cloison en toile, ce qui procurait à Raoul l’agrément d’avoir une espèce de chambre particulière pour se livrer à ses méditations. Il lui avait aussi fait ôter ses fers, quoiqu’on eût eu soin de ne lui laisser aucun instrument dont il pût se servir pour attenter à ses jours. La possibilité qu’il sautât dans la mer par un des sabords avait été un sujet de discussion entre le premier et le second lieutenant ; mais la sentinelle avait ordre de le surveiller avec soin, et Raoul avait l’air si calme et si tranquille qu’il n’était pas probable qu’il voulût prendre un tel parti ; d’ailleurs la marche du bâtiment était si lente, que s’il se jetait à l’eau il serait toujours facile de l’en tirer. Enfin,