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— C’est un bon moyen pour tranquilliser sa conscience, Winchester ; mais c’est une affaire trop sérieuse quand il y va de la vie. Si Bolt mérite d’être puni, sa punition doit être la mort ; et c’est une chose dont on doit être, passablement certain avant de pousser l’affaire trop loin. — J’ai quelquefois eu des doutes si trois ou quatre de nos hommes étaient bien véritablement Anglais.

— Pour avoir une certitude complète en pareil cas, capitaine Cuff, il faudrait que chaque bâtiment eût à bord les registres de naissances de toutes les paroisses d’Angleterre. S’ils ne sont pas Anglais, pourquoi n’en donnent-ils pas des preuves satisfaisantes ? Vous devez convenir que cela n’est que raisonnable.

— Je n’en sais trop rien, Winchester ; il y a deux faces à cette question. Supposez que le roi de Naples vous fît saisir ici, à terre, et qu’il vous demandât de prouver que vous n’êtes pas né son sujet ; comment vous y prendriez-vous, n’ayant pas en poche le registre des naissances de votre paroisse ?

— Eh bien, capitaine, si nous avons si grand tort, nous ferions mieux de leur accorder tout d’un coup leur, congé à tous, quoique l’un des hommes dont vous parlez soit le meilleur matelot que nous ayons à bord, — je crois devoir nous en prévenir.

— Il y a une grande différence, Winchester entre donner son congé à un homme et le faire pendre. Nous manquons de bras en ce moment, bien loin d’en avoir une paire de trop. J’ai examiné hier notre rôle d’équipage, et je ne l’avais jamais trouvé si faible. Il nous faudrait dix-huit à vingt bons marins de plus pour mettre cette frégate sur un pied respectable. Ce Bolt n’est certainement pas un marin de la première classe ; mais il est en état de mettre la main à tant de choses, qu’il se rend aussi utile que le maître d’équipage. En un mot, nous ne pouvons nous passer de lui, — ni en lui donnant son congé, ni en le faisant pendre, quand même ce ne serait que justice de prendre ce dernier parti.

— Bien certainement, capitaine, je n’ai nulle envie de commettre une injustice. — Quel est votre bon plaisir à l’égard de cet homme ?

— Mon bon plaisir est de lui faire reprendre son service. S’il est réellement Américain, ce serait une indignité de lui infliger même la peine des verges ; car n’étant pas sujet du roi et ne s’étant pas enrôlé volontairement, il ne peut être traité ni comme déserteur ni comme traître. Nelson m’a laissé un pouvoir discrétionnaire, et j’en userai de la manière la plus sûre pour notre conscience et la plus utile pour nous, en lui faisant reprendre son service. Quand j’en trouverai l’occasion, je m’informerai des détails de son affaire, et s’il peut prouver