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au sud quelque bâtiment pour épier ses mouvements, — et l’on n’en voyait aucun, aussi loin que la vue pouvait s’étendre, — on aurait pu croire qu’elle gouvernait vers la côte de Sardaigne, probablement dans l’intention de passer entre cette île et celle de Corse, par le canal de Bonifacio. Le vent étant presque à l’est, et la brise étant bonne, la vitesse de la frégate promettait de répondre à l’attente de son commandant.

Lorsque le soleil se coucha et que les ténèbres couvrirent la Méditerranée, les petites voiles furent rentrées, et la Proserpine gouverna au sud, ayant le vent du travers. Un des derniers objets qui furent visibles du pont de la frégate, — indépendamment des montagnes, des îles et du continent, des guirlandes de fumée sortant du Vésuve, de l’azur du vide, et du bleu plus foncé de la mer, — fut un point noir qu’on distinguait à peine dans le lointain, et ce point noir était la Terpsichore, qui se tenait autant que possible dans les eaux de la Proserpine. Sir Frédéric était encore à table avec ses amis ; mais il avait sur le pont un premier lieutenant habile et vigilant, qui était en état de prendre les mesures nécessaires dans quelque situation que pût se trouver la frégate. D’ailleurs il avait reçu les ordres de son capitaine, et il les exécutait avec une exactitude et une attention qui promettaient de ne rien laisser à désirer. D’une autre part, l’équipage du Ringdove fut occupé à rapiécer de vieilles voiles jusqu’à ce que l’heure de quitter le travail fût arrivée. Alors le vaisseau fut désaffourché ; à l’heure dite, l’ancre qui restait fut levée, et la corvette mit à la voile. Quand elle eut passé rentre Capri et Campanella, suivant l’ordre du capitaine Cuff, Lyon fit dire à son premier lieutenant de venir le trouver dans sa chambre.

— Regardez ici, Mac Bean, lui dit-il, montrant une carte étendue sur la table ; le capitaine Cuff doit être juste à présent à la hauteur de Piane, et il se trouvera bien loin sous le vent quand la brise de l’ouest arrivera demain matin. Sir Frédéric l’a suivi à une fameuse distance des côtes, et il ne sera guère mieux loti. Or, ce lougre doit valoir la peine qu’on y songe, si tout ce qu’on en dit est vrai. Dix contre un qu’il s’y trouve de l’or, car ces corsaires l’aiment par-dessus tout ; et en y joignant la valeur du lougre, de son gréement, et de tout ce qui sera trouvé dans les coffres, je ne regarderais pas comme une merveille que cette prise valût huit à dix mille livres sterling. Cela ferait une excellente prise pour l’équipage d’une corvette ; mais ce ne sera qu’une bagatelle s’il faut en faire le partage entre les équipages de trois bâtiments, déduction faite de la part de l’amiral. — À quoi pensez-vous, Airchy ?