Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deux heures, et ensuite vous mettrez en panne. Vous serez par là en état de surveiller l’entrée et la sortie du golfe, sous la côte nord.

— Et cet arrangement terminé à votre satisfaction, capitaine Cuff, dit Lyon en prenant une énorme prise de tabac, quelles instructions nous donnez-vous pour les évolutions subséquentes ?

— Chaque bâtiment devra se maintenir dans sa situation jusqu’à ce qu’il fasse grand jour. S’il arrive, comme je l’espère, que nous ayons alors le Fiou-Folly entre la côte et nous, tout ce que nous aurons à faire sera de le serrer de plus en plus près, et de le pousser de plus en plus dans la baie. Naturellement il se réfugiera sur des bas-fonds ; alors nous jetterons l’ancre, et nous le ferons attaquer au nord et au sud par nos canots, sous le couvert de notre artillerie. Si nous le tenons une fois dans la baie, il est à nous, sûr comme le destin.

— C’est un plan bien conçu, capitaine Cuff, dit Lyon, et il est de nature à pouvoir être bien exécuté. Mais s’il arrive qu’au lieu de trouver ce païen entre la côte et nous, nous nous trouvions entre lui et la côte, que devrons-nous faire ?

— Lui donner la chasse au large, et alors chaque bâtiment fera pour le mieux. — Je regrette, Messieurs, de manquer aux lois de l’hospitalité, mais il faut que la Proserpine mette à la voile. Elle a une longue route à faire, et à peine peut-on compter sur les vents une heure de suite dans cette saison.

Cuff paraissant si pressé, ses deux hôtes le quittèrent sans beaucoup de cérémonie. Sir Frédéric, en arrivant sur son bord, commença par avancer son dîner d’une heure, et invita son chirurgien-major et l’officier commandant les soldats de marine, — deux excellents convives, — à le partager avec lui. Après le dîner, il s’amusa à racler du violon, et deux heures après il donna les ordres nécessaires à son premier lieutenant, et ne s’inquiéta plus de la frégate qu’il commandait. Quant au capitaine Lyon, dès qu’il fut de retour à bord de sa corvette, il ordonna qu’on raccommodât pour la huitième ou neuvième fois quelques vieilles voiles, et fit ensuite solitairement un dîner très-frugal.

Les choses se passaient tout autrement à bord de la Proserpine. On vira au cabestan à courir, et quand le capitaine parut sur le pont, une des ancres était déjà caponée ; la seconde ne tarda pas à l’être également ; les mois huniers furent aussitôt largués, bordés et hissés, les autres voiles furent successivement établies, et la frégate, couverte de voiles, ne tarda pas à doubler la pointe d’Ana-Capri. Elle présentait le cap à l’ouest, inclinant un peu au nord, et s’il y avait eu