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les officiers et les canots revinrent les uns après les autres, épuisés de fatigue et sans le moindre succès.

La plus grande partie du jour se passa de cette manière, car il y avait un calme, et aucun des trois bâtiments ne pouvait mettre à la voile. Comptant bien qu’on découvrirait le lougre à une distance qui permettrait de l’attaquer sur-le-champ, Cuff avait déjà été jusqu’à faire préparer sur chaque bord un détachement pour en garnir les canots, ne doutant pas de la réussite d’une nouvelle attaque de ce genre, à présent qu’il pouvait employer contre l’ennemi toutes les forces disponibles de trois bâtiments. Winchester devait commander la nouvelle expédition, droit qu’il avait acquis au prix de son sang dans la première ; et l’on ne renonça à l’espoir d’obtenir ainsi un succès complet qu’après le retour du dernier canot, celui qui avait été chargé de doubler l’île d’Ischia, et qui n’avait pas mieux réussi que les autres.

Cuff était à causer avec les deux autres capitaines sur son gaillard d’arrière quand on lui fit ce dernier rapport. — On m’a assuré, leur dit-il, que ce Raoul Yvard a eu la hardiesse d’entrer dans plusieurs de nos ports sous pavillon anglais ou neutre, et qu’il y est resté sans être l’objet d’aucun soupçon jusqu’à ce qu’il lui convînt d’en sortir. Serait-il possible qu’il se fût avancé dans la baie jusqu’à la hauteur de la ville ? Il se trouve dans les environs du môle une si grande quantité de petits bâtiments, qu’un lougre comme le Feu-Follet, au moyen d’une nouvelle couche de peinture, et de quelques changements dans son gréement, pourrait y être confondu avec eux. Qu’en pensez-vous, Lyon ?

— C’est certainement une loi de nature, capitaine Cuff, que de petits objets soient négligés en face de plus grands ; et ce que vous dites pourrait arriver, quoique je le place parmi les choses improbables, sinon tout à fait impossibles. On serait pourtant plus en sûreté en se jetant au milieu de quelques centaines de bâtiments, qu’en se hasardant seul dans une rade ou dans un havre. Quand vous voudrez vivre solitaire et caché, sir Frédéric, plongez-vous tout d’un coup dans le Strand, ou prenez un logement sur Ludgate-Hill[1] ; mais si vous désirez être remarqué et vous faire donner la chasse, mettez-vous en retraite dans quelque village des montagnes d’Écosse, et essayez de cacher votre nom seulement un mois. Ah ! celui qui a essayé ces deux manières de vivre en connaît la différence.

— Cela peut être vrai, Lyon, répondit le baronnet ; et pourtant j’ai

  1. Quartiers de Londres très-populeux et très-fréquentés. (Note du traducteur.)