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dans la fleur de l’âge, a dû avoir ses instants de passions comme tous les êtres qui sont nés d’une femme. Messieurs, je n’ai plus rien à dire, vous savez le reste. Si vous me condamnez, que ce soit comme un Français malheureux dont le cœur a eu ses faiblesses, mais non pas comme un vil et perfide espion.

L’Énergie et le naturel du ton de Raoul, en parlant ainsi, ne furent pas sans effet ; et si cela eût dépendu de la volonté de sir Frédéric, le prisonnier aurait été acquitté à l’instant même. Mais Lyon eut des doutes sur l’histoire d’amour, sentiment qu’il ne comprenait guère, et il nourrissait un esprit de contradiction qui le portait en général à s’opposer à la plupart des propositions que faisaient les autres. On renvoya le prisonnier, et l’on ferma les portes, pour que le conseil de guerre pût délibérer dans les formes ordinaires, sur le jugement qu’il allait rendre.

Nous ferions injure à Cuff si nous ne disions pas qu’il eut quelque mouvement de sensibilité en faveur du brave ennemi qui avait si souvent déjoué sa poursuite. S’il en avait été le maître, il aurait rendu à Raoul son lougre, lui aurait accordé une avance convenable, et aurait alors commencé avec plaisir une chasse autour de la Méditerranée, pour vider toutes les questions entre eux. Mais c’était trop pour lui de céder en même temps le lougre et le prisonnier. Ensuite, son serment comme juge lui imposait aussi des obligations ; il se trouva contraint de se rendre aux arguments techniques du procureur du roi, qui n’était pas plus sentimental que Lyon lui-même.

Le résultat de la délibération, qui dura une heure, fut fatal au prisonnier. Les portes s’ouvrirent, le jugement fut rédigé, le prisonnier ramené à sa place, et la sentence prononcée. — Elle portait que Raoul Yvard, ayant été pris déguisé au milieu des escadres alliées, était coupable d’espionnage, et que, par conséquent, il était condamné à être pendu le lendemain à la vergue de tel bâtiment que le commandant en chef désignerait en approuvant la sentence.

Comme Raoul ne s’attendait guère à autre chose, il entendit cette sentence avec fermeté, et salua le conseil de guerre avec politesse et dignité, quand on l’emmena pour lui mettre des fers suivant l’usage en pareil cas.