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nous y employons seulement le sens commun. — De quoi s’agit-il ? de connaître le rendez-vous qui a été convenu entre ce Rawl lward et son équipage. Or cet arrangement a pu être fait de vive voix ou par écrit. Si c’est de vive voix, la déposition de l’homme qui a entendu les paroles prononcées ne sera pas plus ouï-dire que celle d’un homme qui dépose de ce qu’il a vu de ses propres yeux ne serait la vue.

— Parfaitement juste, monsieur le président, s’écria le procureur du roi, très-content de trouver un fil pour sortir d’embarras. Si l’arrangement avait été fait par écrit, cet écrit devrait être produit, comme la meilleure preuve possible ; mais, comme il a eu lieu de vive voix, une déclaration sous serment que ces mots ont été prononcés, doit être admise.

Çuff se trouva soulagé d’un grand poids par cette opinion ; et comme sir Frédéric ne paraissait pas disposé à insister sur son dissentiment, l’affaire aurait été décidée sur-le-champ, sans un amour d’argumentation, qui faisait partie du caractère national et moral du capitaine écossais.

— Je suis d’accord avec le procureur du roi, dit Lyon, quant à sa distinction sur l’admissibilité de la déposition du témoin, attendu que ce n’est pas ce qu’on appelle en termes techniques une déclaration sur ouï-dire ; mais il se présente à mon esprit une difficulté relativement à la pertinence de la question faite au témoin. Un témoin prête serment de parler de l’affaire dont une cour est saisie, mais il ne le prête pas de discuter toutes les choses qui existent dans les cieux et sur la terre. Or, pour décider si Rawl lward est réellement un espion, est-il pertinent de demander s’il a fait certains arrangements avec telles ou telles personnes pour se retrouver en tel ou tel lieu ? — Autant que je comprends la loi, elle divise toutes les questions en deux grandes classes, — les pertinentes et les non pertinentes. — Les premières sont légales ; les secondes ne le sont point.

— Ce serait, de la part d’un drôle comme Bolt, dit sir Frédéric avec dédain, un trait inouï d’audace, d’appeler non pertinente une question que nous lui ferions.

— Ce n’est pas là le point dont il s’agit, sir Frédéric, répliqua Lyon. Nous parlons d’un point légal, et vous pensez à un point de rang et d’étiquette. — Ensuite les questions, soit pertinentes, soit non pertinentes, se divisent en deux classes, dont l’une contient les questions en quelque sorte légales et logiques, et l’autre, celles qui sont, comme on pourrait dire, de convention et de civilité. — Il y a une distinction délicate et latente entre les deux classes.