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les autres le Fiou-Follay ; car, comme vous l’avez fort bien dit, cela ne peut être su que par ceux qui sont actuellement sur son bord ; mais peut-être vous rappellerez-vous l’endroit où il fut convenu entre vous et votre équipage que vous trouveriez le lougre à votre retour de cette expédition hasardeuse.

— Je fais une objection à cette question, en ce qu’elle est contraire à la loi, dit Ithuel avec une énergie et une promptitude qui firent que le procureur du roi tressaillit, et que les membres de la cour se regardèrent les uns les autres avec surprise.

— Si vous refusez d’y répondre, parce qu’une réponse faite avec vérité pourrait vous inculper vous-même, la raison et la justice vous en donnent le droit ; mais vous ferez bien de songer aux suites que ce refus peut avoir pour vous-même quand on instruira votre procès.

— Je fonde mon objection sur des principes généraux, répondit Ithuel. Quoi que le capitaine Roule puisse avoir dit à ce sujet, en supposant qu’il ait dit quelque chose, uniquement pour appuyer mon argument, — en supposant, dis-je, qu’il ait dit quelque chose à ce sujet, ce ne peut être un témoignage, car une preuve par ouï-dire est contre la loi dans tous les pays du monde entier.

Les membres de la cour jetèrent un coup d’œil sur le procureur du roi, qui le leur rendit avec une gravité imperturbable ; et, sur la demande de sir Frédéric, le conseil interrompit sa séance encore une fois, pour discuter cette question en séance secrète.

— Qu’en pensez-vous, monsieur le procureur du roi ? demanda Cuff, dès qu’on eut fait sortir de la chambre l’accusé, les témoins et l’auditoire. Il est de la plus grande importance de découvrir où est ce lougre. Croyez-vous que cette question soit contraire aux lois ?

— Je crois que son importance la rend pertinente, capitaine, et je ne vois pas qu’on puisse prétendre qu’elle soit illégale par la circonstance que le fait n’arrive au conseil que par voie orale.

— Croyez-vous cela ? dit sir Frédéric, ayant l’air plus réfléchi que de coutume. L’observation des formes légales est ce qu’on admire le plus dans les lois anglaises ; et c’est un devoir auquel je n’aimerais nullement à manquer. Ce qu’on a dit doit avoir été entendu pour pouvoir être répété ; et cela me paraît ressembler beaucoup à un ouï-dire ; je pense qu’il est universellement reconnu qu’une pareille preuve doit être rejetée.

— Quelle est votre opinion, capitaine Lyon ? demanda le président.

— L’affaire offre un nœud compliqué, répondit l’Écossais en ricanant ; mais on peut le dénouer. Ce n’est pas le nœud gordien, et nous n’aurons besoin ni d’Alexandre ni de son épée pour le couper, si