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neur exigeait qu’il dît la vérité. En fait de ruses de guerre, peu d’hommes pouvaient être plus subtils que Raoul Yvard ; mais une fois le masque levé, ou lorsqu’il reprenait la dignité naturelle à son caractère, la vue de la mort même n’aurait pu extorquer de lui une parole équivoque. D’un autre côté, Ithuel avait de l’affection pour le mensonge, surtout quand ce mensonge pouvait lui être utile et nuire à un ennemi, et il trouvait le moyen de concilier tout cela avec ses principes religieux, ce qui est assez ordinaire au fanatisme quand il commence à s’user. Dans les circonstances actuelles, il était prêt à dire tout ce qu’il croirait le plus conforme aux désirs de son compagnon, et heureusement il interpréta l’expression de la physionomie de Raoul comme celui-ci l’aurait désiré.

— Je connais bien le prisonnier, comme vous l’appelez, Squire, répondit Ithuel après la pause qui lui fut nécessaire pour arriver à la conclusion, et je le connais fort bien ; et il est passé maître quand il lui arrive d’être dans un courant de votre commerce anglais. S’il y avait eu un Raoul à bord de chaque bâtiment français là-bas sur le Nil, en Égypte, je calcule que Nelson aurait vu que sa lettre avait besoin de quelque post-scriptum.

— Restreignez vos réponses, témoin, à l’affaire en question, dit Cuff avec dignité.

Ithuel avait contracté l’habitude de trop de crainte pour le capitaine de son bâtiment pour hasarder une réponse ; mais si ses regards avaient pu infliger une blessure, cet important fonctionnaire ne se serait pas retiré intact : cependant, comme il garda le silence, l’interrogatoire continua.

— Vous le connaissez pour être Raoul Yvard, le commandant du lougre, corsaire français, le Feu-Follet ? reprit le procureur du roi, croyant prudent de fortifier l’aveu que le prisonnier avait fait de son identité, par quelques preuves indirectes

— Eh bien ! j’imagine en quelque sorte, répondit Ithuel, c’est-à-dire je conclus en quelque manière ;… et saisissant une expression d’assentiment dans les yeux de Raoul, il s’interrompit en s’écriant : Oh ! oui, c’est cela, il n’y a pas l’ombre d’un doute. Il est le capitaine du lougre, et trouvez-m’en beaucoup comme lui.

— Vous étiez avec lui, déguisé, lorsqu’il est venu hier dans la baie de Naples ?

— Moi, déguisé, Squire ! Qu’est-ce que j’ai à déguiser ? Je suis Américain, j’exerce plusieurs professions, et je les pratique toutes suivant les circonstances ; étant neutre, je n’ai pas besoin de déguisement pour aller partout. Je ne suis jamais déguisé, à moins que ce ne soit