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savez ni si la felouque dont vous parlez est le Feu-Follet, ni si je suis Français ; encore moins si je suis Raoul Yvard ; mais que vous vous souvenez que je vous ai dit que je suis né à Guernesey, et que mon nom est Jacques Smit.

— Oui, vous m’avez dit que vous vous nommiez Giac Smit, et vous ne m’avez pas dit que vous étiez Raoul Yvard. Mais, Signor, je vous ai vu tirer le canon contre les canots de la frégate ou nous sommes, et vous aviez arboré alors le pavillon français. C’est une preuve que vous en étiez ennemi, si nous entendons quelque chose en pareilles affaires à Porto-Ferrajo.

Raoul sentit que ces mots tiraient à bout pourtant contre lui ; mais il manquait quelque chose pour en faire sortir une preuve complète.

— M’avez-vous vu faire feu ou en donner l’ordre, Signor ? — Vous voulez dire que vous avez vu le Ving-and-Ving combattre les canots de la Proserpine ; mais êtes-vous sûr que je fusse alors, moi, à bord de cette felouque ?

— Non, Signor ; mais vous m’avez dit que vous la commandiez.

— Entendons-nous bien, dit le procureur du roi ; l’intention du prisonnier est-elle de nier qu’il soit Français et ennemi de l’Angleterre ?

— Mon intention, Monsieur, est de nier tout ce qui ne sera pas prouvé.

— Mais votre accent, Monsieur, la manière dont vous parlez anglais, votre extérieur même, tout prouve que vous êtes Français.

— Pardonnez-moi, Monsieur ; il y a aujourd’hui beaucoup de pays où l’on parle français, sans qu’ils fassent partie de la France. On parle français en Belgique et sur toute la frontière au nord de ce royaume ; il en est de même du côté de l’est, en Suisse, en Savoie, à Genève, dans le pays de Vaud ; on parle même cette langue dans des possessions anglaises, comme le Canada, Guernesey, Jersey. Condamnerez-vous un homme parce que son accent annonce qu’il n’est pas né à Londres ?

— Nous vous rendrons justice exacte, prisonnier, dit Cuff, et si nous avons quelques doutes, vous en profiterez. Cependant il est bon de vous informer que nous vous soupçonnons fortement d’être Français et de vous nommer Raoul Yvard. Si vous pouvez prouver le contraire, je vous engage à le faire d’une manière directe et positive.

— Et comment cet honorable conseil de guerre entend-il que je le fasse ? — J’ai été arrêté la nuit dernière sur un canots, et l’on me met en jugement ce matin, sans me donner plus de délai qu’on n’en