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idée ; et se tournant ensuite vers le prisonnier, il lui dit qu’il pouvait interroger à son tour le témoin, s’il le jugeait à propos.

Raoul sentait parfaitement dans quelle situation il se trouvait. Quoiqu’il fût très-vrai qu’il n’était pas entré dans la baie de Naples avec le dessein d’y jouer le rôle d’espion, il savait qu’il s’était compromis, et que ses ennemis saisiraient avec empressement cette occasion de le faire périr, s’ils en trouvaient un moyen légal.

Il voyait aussi l’embarras dans lequel ses accusateurs se trouvaient, faute de preuves de son identité, et il résolut de tirer avantage de cette circonstance autant qu’il le pourrait. Jusqu’à ce moment, l’idée de nier son identité ne s’était pas présentée à son esprit ; mais croyant y trouver une porte pour s’échapper, il était naturel qu’il cherchât à en profiter. Se tournant donc vers le podestat, il lui fit ses questions en anglais, pour qu’elles lui fussent traduites de même que celles qui lui avaient déjà été faites.

— Vous dites, signor podestat, que vous m’avez vu à Porto-Ferrajo dans l’île d’Elbe ?

— Oui, Signor ; et j’ai l’honneur d’être une des autorités de cette ville.

— Vous dites que je vous y ai dit que je commandais un bâtiment au service du roi d’Angleterre, une felouque nommée le Ving-and-Ving ?

— Oui, le Ving-y-Ving est le nom que vous avez donné à cette felouque.

— Je croyais, monsieur le podestat, dit Lyon, vous avoir entendu dire que ce bâtiment était un lougre.

— Une felouque-lougre, signor capitano ; rien de plus, rien de moins, sur mon honneur.

— Et tous ces honorables officiers savent parfaitement, dit Raoul d’un ton ironique, qu’une felouque-lougre et un lougre tel qu’est, dit-on, le Feu-Follet, sont deux choses très-différentes. Maintenant, Signor, m’avez-vous jamais entendu dire que je sois Français ?

— Non. Vous n’avez pas été assez fou pour l’avouer à un homme qui déteste le nom de Français. Cospetto ! si tous les sujets du grand-duc détestaient ses ennemis autant que moi, il serait le prince le plus puissant de toute l’Italie.

— Sans doute, Signor. Maintenant, permettez-moi de vous demander si vous m’avez jamais entendu donner à cette felouque un autre nom que le Ving-y-Ving ? L’ai-je jamais nommée le Feu-Follet ?

— Non ; — toujours le Ving-y-Ving, — jamais autrement ; mais…