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— Par saint André ! je n’en avais pas la moindre idée, s’écria Lyon, qui n’aimait nullement cette partie des devoirs d’un officier. Je croyais qu’il ne s’agissait que d’un assaut de vitesse avec un bâtiment français, et que c’était pour cette raison que milord, le contre-amiral, ou Sa Grâce, quelque titre qu’on doive lui donner, avait jugé à propos de réunir ensemble trois des meilleurs voiliers de toute son escadre.

— Je voudrais que nous n’eussions que ce dernier devoir à remplir, capitaine Lyon ; mais nous avons à nous acquitter de la fonction désagréable de juger un espion et un déserteur. Vous allez retourner à vos bords, Messieurs, et vous nous suivrez jusqu’à un mouillage. J’ai dessein de mouiller sur une seule ancre près de Capri. Nous pourrons y rester pendant le calme, et tenir nos deux conseils. Cette affaire ne nous prendra pas beaucoup de temps, et nous pourrons placer des hommes en vigie sur les hauteurs pour examiner la mer et la côte adjacente. Cependant il faudrait nous hâter, afin de ne pas perdre la brise. Vous ferez attention au signal qui sera fait pour convoquer le conseil.

Les deux capitaines qui venaient d’arriver descendirent dans leurs gigs, et la Proserpine fit servir. Les trois bâtiments gouvernèrent alors vers le lieu de leur destination, et jetèrent l’ancre à la hauteur de la ville, ou plutôt du village qui est dans l’île de Capri, à l’instant où l’on piquait deux coups. Dix minutes après, la Proserpine tira un coup de canon, et l’on fit hisser le pavillon qui annonce la séance d’un conseil de guerre.

Quoique nous ne jugions pas nécessaire d’en faire mention en détail, il est à propos de dire au lecteur que toutes les formalités exigées par la loi pour de pareils jugements avaient été observées. La promptitude dans les mesures faisaient partie du caractère décidé de l’amiral, qui espérait trouver dans le procès même des moyens pour s’emparer du véritable héros de notre histoire, le petit Feu-Follet. Quoiqu’une philanthropie égarée, pour ne pas dire révoltante, renverse tant d’anciennes barrières de la société, et, parmi d’autres hérésies, prêche la doctrine que le but de la punition est la réformation du criminel, une vérité confirmée par l’expérience est que rien ne rend la justice si terrible, et par conséquent si efficace, que la certitude et la célérité des peines qu’elle inflige. Lorsque les formes qu’elle exige ont été observées, la plus prompte exécution de ses jugements est ce qui contribue le plus à la protection de la société. Un grand mérite des lois anglaises, c’est qu’elles offrent rarement au meurtrier et au faussaire des moyens d’échapper au châtiment, et qu’une fois