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Une voix l’avait prononcé distinctement à bord du lougre, et il avait été répété plus lentement, à la requête d’un officier de la quarantaine, ainsi qu’il suit :

Come chimate il vostro bastimento ?

Wing-and-Wing.

— Come ?

Wing-and-Wing.

Il s’ensuivit une assez longue pause, pendant laquelle les employés de la quarantaine conférèrent ensemble, et comparèrent la manière dont ces sons inconnus avaient frappé l’oreille de chacun d’eux. Enfin, ils s’adressèrent à un interprète qui prétendait savoir l’anglais, mais qui ne connaissait de cette langue que tout juste ce qu’on peut en connaître dans un port peu fréquenté, et lui demandèrent ce que ces mots signifiaient :

Ving-y-Ving, grommela ce fonctionnaire. — Quel chien de nom est-ce là ? Demandez-le-leur encore une fois.

Come si chiama la vostra barca, signori Inglesi ? demanda l’employé qui hélait.

Diable ! s’écria en français avec impatience celui qui répondait à bord du lougre. — On l’appelle Wing-and-Wing, répéta-t-il encore en anglais. — Ala e ala, ajouta-t-il, donnant la traduction de ces mots en italien.

Ving-y-Ving. — Ala e ala ! répétèrent les employés de la quarantaine, se regardant les uns les autres en riant, mais d’un air surpris et embarrassé.

Cette petite scène se passait pendant que le lougre jetait l’ancre et que la foule se dispersait. Elle occasionnai quelque gaieté, et le bruit se répondit bientôt dans la ville qu’il venait d’arriver d’Inghilterrœ un bâtiment qui s’appelait Ving-y-Ving dans le dialecte de ce pays, ce qui voulait dire ala e ala, en italien, nom qui frappa tous ceux qui l’entendirent, comme étant assez absurde. Cependant, comme pour donner une confirmation du fait, on hissa au bout de la grande vergue du lougre un petit pavillon carré sur lequel étaient peintes ou brodées deux grandes ailes semblables à celles qu’on trouve quelquefois dans certaines armoiries, et ayant entre elles le rostrum d’une galère, de manière à offrir dans l’ensemble à peu près la même forme que celle que l’imagination humaine a prêtée à ces êtres célestes, les chérubins. Cet emblème parut satisfaire les spectateurs, qui connaissaient trop bien cette image pour ne pas se faire enfin une idée assez distincte de ce que signifiaient les mots ala e ala.

Comme nous l’avons déjà dit, Tommaso Tonti était resté sur le pont,