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qu’un de vos bateliers n’est ni plus ni moins que Raoul Yvard, le corsaire le plus redoutable qui soit jamais sorti des ports de France, et qui est la peste et le fléau de toutes les côtes d’Italie ? Si l’église daignait s’occuper de ce républicain impie, ce serait pour ordonner à tous les fidèles d’unir leurs prières pour demander au ciel la destruction de son bâtiment.

— Raoul Yvard ! répéta Ghita d’un air assez surpris pour causer quelque étonnement au magistrat lui-même ; êtes-vous bien sûr de ce que vous dites, signor podestat ?

— Aussi sûr qu’on peut l’être après avoir entendu l’aveu de la partie intéressée.

— Son aveu, Signor !

Si, bella Ghita, son aveu. — Votre batelier, — votre habitant de Capri. — votre lazzarone, a avoué lui-même qu’il n’est ni plus ni moins que le commandant de ce tison d’enfer le Feu-Follet.

Le Feu-Follet fait-il plus de mal que les autres croiseurs de l’ennemi ? demanda Ghita ; mais, sentant qu’elle devait être indiscrète, elle se tut.

— Je crois, Winchester, dit Cuff, que j’ai vu ce matin cette jeune fille et ce vieillard à bord du Foudroyant, dans la chambre de Nelson, à qui ils venaient parler relativement au malheureux prince qui a été exécuté ce matin.

— Que pouvaient avoir de commun de pareilles gens avec l’infortuné Caraccioli ?

— Je n’en sais rien, mais ce sont eux. La reine de l’escadre — notre lady Amiralesse — a causé longtemps avec la jeune fille, mais c’était en italien, que je ne comprends pas plus que le grec, et vous pouvez être bien sûr que la dame ne m’en a pas dit un seul mot : je doute même qu’elle ait instruit Nelson plus que moi.

— Je voudrais pour bien des choses que Nelson coupât la remorque et laissât aller cet esquif en dérive. Je vous assure, capitaine, que l’on commence à en parler tout haut sur toute l’escadre. S’il s’agissait de tout autre, vous entendriez un beau bruit, mais les bouches se ferment quand il s’agit d’un homme comme Nelson.

— Eh bien, en bien, que chacun soit responsable de ses actions ; vous du moins, Winchester, vous devez être tranquille ; car il m’a demandé ce matin des nouvelles de votre blessure, et il voulait vous envoyer je ne sais quoi, qu’il disait bon pour l’estomac. Mais je lui ai dit que vous étiez guéri, et que vous aviez repris votre service. Avec sa tête, et son œil et son bras, il est devenu lui-même une telle carcasse, qu’il regarde en quelque sorte tout homme blessé comme un