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prend l’affaire en main, j’espère que nous aurons la monnaie de notre ducat.

— Signor, dit Raoul au vice-gouverneur, ce sera tout comme il vous plaira. Le lougre dont vous parlez était hier au soir à la hauteur de notre île, gouvernant vers Ischia, où il doit être arrivé pendant la nuit, car il y a eu un bon vent de terre depuis la vingt-troisième heure du jour, jusqu’à la cinquième de la matinée suivante.

— Cela s’accorde, quant au lieu et au temps, avec ce que nous avons appris, dit Griffin ; mais il n’en est pas de même de la route que faisait le corsaire. On nous a fait rapport qu’il cherchait à doubler le cap méridional de l’île pour entrer dans le golfe de Salerne.

Un tressaillement presque imperceptible échappa à Raoul, et il se félicita d’être monté à bord de la Proserpine ; car ce qu’il venait d’entendre lui apprenait que ses ennemis n’avaient que de trop bons renseignements sur ses récents mouvements. Il se flatta pourtant de pouvoir changer leurs intentions et de les mettre sur une fausse piste :

— Je voudrais bien savoir, dit-il, qui peut prendre le sud-est pour le nord-ouest. Pas un de nos pilotes ou de nos bateliers ne ferait une pareille bévue. — Vous êtes officier, Signor, et vous vous entendez à de pareilles choses ; or je vous demande si Ischia n’est pas au nord-ouest de Capri.

— Il n’y a nul doute, et il est également vrai que le golfe de Salerne est au sud-est de ces deux îles.

— Voyez-vous ? s’écria Raoul avec un air de vulgaire triomphe très-bien joué ; j’étais sûr, Votre Excellence, que lorsque vous y réfléchiriez, vous verriez que c’est une folie de dire qu’un bâtiment qui va de Capri à Ischia peut gouverner autrement qu’au nord-ouest.

— Mais ce n’est point là la question, amico. Nous connaissons tous le gisement de ces deux îles, qui est le même que celui de toute cette côte ; mais la question est de savoir de quel côté le lougre gouvernait.

— Je croyais vous avoir dit, Excellence, qu’il portait le cap vers Ischia, dit Raoul avec un air d’innocence et de vérité.

— En ce cas, le compte que vous rendez se trouve en contradiction complète avec celui qui a été envoyé à l’amiral par le bon évêque de votre île. Puissé-je ne jamais manger une autre de ses cailles, si je le crois capable d’avoir voulu nous tromper, et il n’est pas facile de supposer qu’un homme comme lui ne soit pas en état de distinguer le nord du sud.

Raoul murmura intérieurement une malédiction contre tous les