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tout j’adore Dieu, et vous, vous êtes imbu des nouvelles opinions de votre nation. Ce sont des causes de séparation bien suffisantes, quoique nous puissions avoir l’un de l’autre une opinion favorable.

— Ne me parlez donc plus du cœur d’une jeune Italienne, et de sa disposition à suivre au bout du monde l’homme dont elle a fait choix ! s’écria Raoul avec amertume. Je puis trouver en Languedoc mille filles qui feraient tous les ans le tour du monde plutôt que d’être séparées un seul jour des marins qu’elles ont pris pour maris.

— Eh bien, cherchez une femme parmi les filles du Languedoc, répliqua Ghita avec un sourire si mélancolique qu’il donnait un démenti à ses paroles. Il vaut mieux prendre une femme qui soit de votre nation et qui professe les mêmes opinions que vous, que de risquer votre bonheur avec une étrangère qui pourrait ne pas répondre à tout ce que vous espérez d’elle, quand vous viendrez à la mieux connaître.

— Nous n’en parlerons pas davantage à présent, chère Ghita ; mon premier soin doit être de vous reconduire chez votre tante, — à moins que vous ne vouliez monter sur le Feu-Follet, et retourner aux tours.

Le Feu-Follet ! — J’espère qu’il n’est pas ici, au milieu de tant d’escadres ennemies ? — Songez, Raoul, que votre équipage finira par se plaindre, si vous l’exposez souvent à de pareils risques uniquement pour satisfaire vos désirs.

— Peste ! je le maintiens en bonne humeur en lui faisant faire de bonnes prises. — Nous avons en du succès, et ce qui rend Nelson populaire et un grand homme dans son pays, rend Raoul Yvard populaire et en fait un grand homme, en miniature, aux yeux de son équipage. Les hommes qui le composent ressemblent à leur capitaine : ils aiment les aventures et le succès.

— Je n’ai pas vu le lougre. J’ai examiné plus de cent bâtiments ; et je n’ai pas aperçu le vôtre.

— La baie de Naples est grande, Ghita, répondit Raoul en souriant, et le Feu-Follet n’occupe que peu de place. — Voyez ces vaisseaux de digne, ce sont des coquilles de noix sur ce vaste golfe, auprès de ces nobles montagnes. Vous ne pouvez attendre de mon petit lougre qu’il y fasse grande figure. Nous sommes petits, Ghita mia, si nous ne sommes pas tout à fait insignifiants.

— Cependant, quand il y a des yeux si vigilants et en si grand nombre, Raoul, il y a toujours du danger. D’ailleurs un lougre est un genre de bâtiment peu ordinaire, comme vous me l’avez avoué vous-même.