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le pavillon resta suspendu en ligne droite, de manière à éluder tout examen ; mais bientôt, comme si tout à bord de ce bâtiment avait été aussi léger et aussi aérien que lui-même, on le vit se déployer, et offrir à tous les yeux le fond blanc et la croix rouge du pavillon anglais.

Inglese ! s’écria Maso fort aidé à faire cette conjecture par la vue du pavillon ; — oui, Signor, c’est un bâtiment anglais. C’était ce que j’avais pensé d’abord en le voyant, mais comme les bâtiments de cette nation ne sont pas communément gréés en lougres, j’ai craint de me compromettre en le disant.

— Eh bien, honnête Maso, on est heureux, dans ces temps de troubles, d’avoir à son côté un marin expérimenté comme vous. Je ne sais comment nous aurions pu, sans vous, découvrir à quelle nation appartient ce bâtiment. — Un navire anglais ! — Corpo di Bacco ! Qui aurait jamais cru qu’une nation si maritime et si éloignée de nous, aurait envoyé un si petit esquif à une si vaste distance ? Sur ma foi, Ghita, c’est un voyage, d’ici à Livourne ; mais j’ose dire que l’Angleterre est vingt fois plus loin.

— Je ne connais pas l’Angleterre, Signor, mais j’ai entendu dire que notre mer ne baigne pas les côtes de ce pays. Quoi qu’il en soit, c’est bien le pavillon de cette nation, car je l’ai vu souvent, et je le reconnais. Beaucoup de bâtiments de ce pays fréquentent les côtes méridionales de l’Italie.

— Oui, c’est un pays fameux pour les marins, quoiqu’on m’ait dit qu’il ne s’y trouve ni vin ni huile. De plus il est allié de l’empereur et ennemi mortel des Français qui ont commis tant de dévastations dans le nord de l’Italie. C’est quelque chose, Ghita, et tout Italien doit l’honorer. — Je crains que ce bâtiment n’ait pas dessein d’entrer dans notre port.

— Il gouverne certainement comme s’il n’en avait pas l’intention, signor podestat, répondit Ghita en soupirant si doucement qu’elle seule put entendre le bruit de ce soupir. — Peut-être est-il à la recherche de quelque bâtiment français, dont on dit qu’on vit un si grand nombre l’année dernière naviguant vers l’Orient.

— Ah ! c’était vraiment une vaste entreprise, répondit le magistrat, étendant les bras en demi-cercle, et ouvrant de grands yeux par forme d’accompagnement à son discours. Le général Bonaparte, celui qui avait fait le diable dans le Milanais et les états du pape pendant les deux années précédentes, était parti, disait-on, avec deux ou trois cents vaisseaux pour aller Dieu sait où. Les uns disaient que c’était pour détruire le saint sépulcre, les autres qu’il allait détrôner