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était ma sœur. Vous nous regardiez comme d’une naissance trop humble pour être admis dans une famille aussi illustre que la vôtre, et nous ne voulions pas nous présenter devant vous sans savoir si notre vue vous serait agréable.

— Et comment venez-vous en ce moment, brave homme, réclamer des liens d’affinité avec un criminel condamné à mort ?

— Non, non, s’écria une voix douce se faisant entendre à ses pieds ; la fille de votre fils ne désire que la bénédiction du père de son père, et elle témoignera sa reconnaissance de cette grâce par ses prières ferventes pour le salut de votre âme.

— Je ne mérite pas cela, mon père, dit l’amiral napolitain à son confesseur ; voyez cette tendre plante qui a vécu jusqu’ici négligée à l’ombre, et qui lève sa tête timide pour m’offrir ses parfums à l’instant de ma mort. Non, je ne le méritais pas.

— Mon fils, si le ciel n’accordait sa merci qu’à ceux qui la méritent, le sort de l’homme serait véritablement sans espoir. Mais il ne faut passe faire d’illusions dans un pareil moment. Vous n’avez jamais été marié, don Francesco ? Avez-vous eu un fils ?

— C’est un péché que j’ai déposé au tribunal de la pénitence, comme beaucoup d’autres, bon père ; et j’espère que Dieu me l’a pardonné en faveur de mon repentir. Oui, j’ai eu un fils, je l’ai reconnu comme tel ; je lui ai donné le droit de porter mon nom, et quoiqu’il n’ait jamais habité mon palais, j’ai eu pour lui tous les soins d’un père jusqu’au moment où un mariage inconsidéré m’a forcé de lui interdire ma présence. J’avais toujours eu dessein de lui pardonner et de lui assurer des moyens convenables d’existence ; mais la mort l’a frappé trop tôt, ainsi que sa femme, pour m’en laisser le temps ; cependant jamais je n’avais appris avant ce moment qu’une fille était née de cette union. — Regardez-la, mon père, ses traits ne semblent-ils pas le miroir de la vérité ?

— Pourquoi vous tromperions-nous, et surtout dans un moment comme celui-ci ? s’écria Ghita encore à genoux, levant les bras en l’air comme si elle eût voulu l’embrasser. Nous ne vous demandons ni honneurs ni richesses ; mon seul désir est de recevoir votre bénédiction, et de vous informer qu’il reste sur la terre une fille de votre sang qui priera Dieu pour votre âme.

— Saint prêtre, il ne peut y avoir ici aucune illusion ; cette chère enfant ressemble étonnamment à son aïeule, et mon cœur m’assure qu’elle dit la vérité. Je ne sais si je dois regarder cette découverte comme un bonheur ou un malheur, dans un pareil moment et quand la mort m’attend.