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qui leur fut nécessaire pour être admis à bord de la frégate. Dès que le signor Giuntotardi fut sur le gaillard d’arrière, il fit connaître à l’officier de quart le motif de son arrivée, et celui-ci envoya savoir si le prisonnier voulait recevoir deux individus qui demandaient à le voir, Le nom de l’oncle fut le seul qui fut donné.

Francesco Caraccioli, ou, comme on l’appelait plus communément, le prince Caraccioli, était un homme approchant de sa soixante-dixième année, appartenant à l’une des plus illustres maisons de la basse Italie, et ayant toujours occupé des postes importants et élevés. Il est inutile de parler ici du crime dont il fut accusé, de l’excuse qu’il put avoir, de l’irrégularité des poursuites faites contre lui, et de la hâte indécente avec laquelle il fut jugé, condamné et exécuté. Tous ces détails se trouvent dans l’histoire, et sont maintenant universellement connus. Il avait été arrêté dans la matinée et conduit à bord du Foudroyant ; un conseil de guerre, composé de ses concitoyens, l’avait presque au même instant condamné à mort ; l’heure de l’exécution approchait, et il avait déjà été conduit à bord du bâtiment où elle devait avoir lieu.

L’officier portant le message de Giuntotardi trouva cet infortuné avec son confesseur, qui venait de lui donner l’absolution. Caraccioli entendit avec un air d’indifférence la demande qui lui était faite, mais il l’accorda, en pensant que c’était quelque ancien serviteur de sa famille qui venait lui demander une dernière faveur, ou réclamer un acte de justice.

— Restez ici, mon père, je vous en prie, dit le prisonnier à son confesseur, qui se disposait à se retirer ; c’est quelque contadino ou quelque marchand, dont les droits ont sans doute été oubliés. Je suis charmé qu’il soit venu, car je ne voudrais pas mourir avec une injustice à me reprocher.

Comme il finissait ces paroles, la porte de la chambre s’ouvrit, et Ghita entra avec son oncle. Une minute se passa en silence, le prisonnier cherchant inutilement à se rappeler les traits de ceux qui se trouvaient devant lui, et Ghita tremblant de chagrin et de crainte. Enfin, elle s’avança vers le condamné, et lui dit en s’agenouillant à ses pieds :

— Grand-papa, donnez votre bénédiction à la fille de votre fils unique.

— Grand-papa ! — Mon fils ! — Sa fille ! répéta don Francesco. Oui, j’ai eu un fils, je l’avoue à ma honte et avec contrition. Mais il est mort depuis longtemps, et je n’ai jamais su qu’il eût laissé une fille.

— Cette fille est sous vos yeux, Signor, dit Giuntotardi ; et sa mère