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pour sauver la vie d’un de ses semblables. Bien plus, c’est un acte méritoire aux yeux de Dieu.

— Qu’en pouvez-vous savoir ? La pensée que vous avez dans vos veines le sang des Caraccioli vous a fait oublier votre sexe et votre condition, et vous a mis dans la tête des idées romanesques de devoir.

— Vous vous trompez, Signora. Depuis dix-huit ans, je sais que le malheureux amiral Caraccioli est mon aïeul ; mais, comme il n’a jamais témoigné le désir de me voir, je n’ai jamais éprouvé celui de me présenter à ses yeux. Avant ce matin, l’idée que le sang des Caraccioli coule dans mes veines ne s’était jamais présentée à mon esprit, à moins que ce ne fût pour déplorer la faute de ma grand-mère, et elle ne s’y présente en ce moment que pour me faire déplorer aussi le cruel destin de celui qui a été le complice de cette faute.

— Tu es bien hardie, jeune fille, de parler ainsi de tes nobles et illustres parents !

La dame prononça ces mots d’un air encore plus sombre et les sourcils froncés. Peut-être y avait-il dans sa vie passée des incidents qui rendaient le langage d’une morale sévère offensant pour ses oreilles et pénible à son souvenir.

— Ce n’est pas moi, Excellence, c’est Dieu qui parle ainsi. Les fautes de mon aïeul sont une raison de plus pour que cet illustre amiral emploie son influence pour lui éviter une mort si précipitée. La mort est terrible pour tout le monde, excepté pour ceux qui ont une pleine confiance en la médiation du fils de Dieu ; mais elle le devient doublement quand elle arrive tout à coup et sans être attendue. Il est vrai que don Francesco n’est plus jeune ; mais n’avez-vous pas remarqué, Signora, que ce sont les gens âgés dont la conscience s’endurcit, et qui vivent comme s’ils ne devaient jamais mourir ? — Je parle de ceux qui ont laissé leur jeunesse s’écouler comme si les plaisirs de la vie ne devaient jamais avoir de fin.

— Vous êtes trop jeune pour vous ériger en réformatrice du monde, Signorina ; et vous oubliez que vous êtes sur le vaisseau d’un des plus grands amiraux du monde, dont tout le temps est occupé. Vous pouvez vous retirer ; je lui expliquerai tout ce que vous venez de me dire.

— J’ai une autre demande à faire, Excellence, — la permission de voir don Francesco, afin que je puisse du moins recevoir sa bénédiction.

— Il n’est pas sur ce vaisseau ; vous le trouverez à bord de la frégate la Minerve, et sans doute on vous permettra de le voir. — Atten-