Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nièce, avait refusé de s’asseoir, de sorte que tout le monde était debout.

— C’est un fort bon nom, Signor, et vous n’avez pas à en rougir. — Et le vôtre, Signora ?

— Ghita Caraccioli, Votre Excellence, fille de la sœur de cet honnête gardien des tours du prince.

Si une bombe avait éclaté sur le pont du Foudroyant, Nelson n’aurait certainement pas si vivement tressailli ; et les beaux traits de la dame prirent un air de ressentiment profond, qui n’était pas sans mélange de crainte. Cuff lui-même reconnut le nom Caraccioli, et il fit un pas en avant, ses traits brunis annonçant la curiosité et l’intérêt. Toutes les émotions se calmèrent bientôt. La dame fut la première à reprendre son empire sur elle-même ; mais Nelson fit cinq ou six fois le tour de la chambre, agitant le moignon de son bras droit, avant même de lever les yeux.

— J’allais demander si nous ne verrons jamais la fin de ces importunités, dit la dame en anglais, mais il doit y avoir ici quelque méprise. La maison de Caraccioli est une des plus illustres de toute l’Italie, et il peut à peine exister quelqu’un de cette classe qui prenne intérêt à celui auquel nous pensons. Je ferai donc quelques questions sur cette affaire. — Signorina, ajouta-t-elle en italien, et d’un ton sévère, comme si elle eût douté de ce qu’elle venait d’entendre, Caraccioli est un nom noble, et il n’est pas souvent porté par la fille du gardien des tours d’aucun prince.

Ghita trembla et parut interdite ; mais elle était soutenue par un principe trop élevé, et était trop innocente elle-même, pour être longtemps intimidée en présence du crime, et quoique la teinte vermeille de ses joues, semblable à celle qui, dans la soirée, pare si souvent le ciel de son pays, les eût abandonnées, elle leva les yeux sur le visage contracté de la dame, et lui répondit :

— Je sais ce que veut dire votre Excellence, et j’en sens la justice ; mais il est cruel pour une fille de ne pas porter le nom de son père. Le mien se nommait Caraccioli, et il m’a laissé son nom pour tout héritage. Quels peuvent avoir été ses droits à le porter, c’est à mon oncle à le dire.

— Parlez donc, signor Giuntotardi, donnez-nous d’abord l’historique de ce nom, et dites-nous ensuite ce qui vous amène ici.

— Noble dame, ma sœur, femme aussi pieuse et aussi vertueuse qu’on en vit jamais en Italie, et qui est maintenant une bienheureuse dans le ciel, épousa don Francesco Caraccioli, fils du don Francesco de cette illustre famille qui vient d’être condamne à mort pour avoir