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avec l’expression de cette sensibilité naturelle à son sexe. Et ce pauvre vieillard, c’est sans doute un père dont le cœur est brisé ?

— Souvenez-vous que je ne connais pas encore le motif de leur arrivée, et par conséquent je ne puis rien vous garantir.

— Capitaine Cuff, dit la dame, j’espère que je vous vois bien portant. Sir William se joint à l’amiral pour vous prier de prendre votre part aujourd’hui d’un dîner de famille.

— Et que dit la maîtresse, non de la maison, mais du vaisseau ? demanda Nelson, dont les yeux n’avaient pas cessé un instant d’être fixés sur la sirène depuis qu’elle était entrée.

— Elle dit — sans accepter le titre que vous lui donnez, quelque honorable qu’il soit, — qu’elle se réunit aux autres pour inviter le capitaine Cuff à nous accorder le plaisir de sa compagnie. — Nelson m’a appris, capitaine, que vous êtes un de ses vieux Agamemnons, comme il vous appelle tous, jeunes et vieux, grands et petits, vous autres qui avez servi avec lui à bord de ce bâtiment, et j’aime jusqu’au son de ce nom. Quel glorieux titre pour un vaisseau ! — Agamemnon ! — un Grec, commandé par un cœur véritablement anglais !

— Oui, ce nom vaut un peu mieux que celui de That will do et que l’autre, hein, Cuff ? dit Nelson, souriant en regardant le capitaine. — Mais, pendant tout ce temps, nous ne savons pas encore ce que désirent de nous cet Italien, dont l’air est si honnête, et sa compagne, dont la figure est si ingénue.

— Dans cette affaire, Messieurs, dit la dame, je ne dois être regardée que comme un écho qui répète les mots qu’il a entendus, mais un écho irlandais qui répète dans une langue ce qu’il a entendu dans une autre. Faites vos questions, Milord, je les traduirai fidèlement ; et je vous rendrai les réponses avec la même exactitude. J’espère seulement que le capitaine Cuff sortira de cette affaire aussi innocent qu’il en a l’air en ce moment.

L’amiral sourit, mais cette plaisanterie ne troubla pas la tranquillité de celui qui en était l’objet ; car, cinq minutes auparavant, il ignorait l’existence des deux étrangers qui étaient en sa présence. La hardiesse des allusions de la dame se ressentait des libertés qu’on se permet à bord d’un bâtiment, et des habitudes de la partie du monde où cette scène se passait.

— Nous nous informerons d’abord du nom de ce digne homme, si vous voulez bien le lui demander, dit Nelson à sa belle amie.

— Carlo Giuntotardi, noble dame, autrefois pauvre savant à Naples, et maintenant gardien des tours du prince sur les hauteurs d’Argentaro, répondit avec respect l’oncle de Ghita, qui, de même que sa