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CHAPITRE XIII.


« si vous avez jamais vu des jours plus heureux ; si vous avez jamais entendu le son de la cloche funèbre ; si vous vous êtes jamais assis à la table d’un riche, si vous avez jamais essuyé une larme tombant de vos paupières, si vous savez ce que c’est qu’éprouver et inspirer la pitié, laissez-moi émouvoir votre sensibilité. »
Shakspeare.



Il faut maintenant que le temps avance, et que nous transportions le lecteur dans une autre partie de la même mer, mais non à une grande distance. Qu’il s’imagine donc se trouver à l’entrée d’une grande baie, ayant seize à dix-huit milles de diamètre presque dans tous les sens, quoique les rives en soient dentelées par des promontoires et des criques, et dont la profondeur excède peut-être un peu sa plus grande largeur. Il occupera alors précisément l’endroit où nous désirons offrir à ses yeux un des plus beaux panoramas de l’univers. À sa droite est une île rocailleuse et élevée, couverte d’un tuf noir dont la formation magnifique est égayée par des vignobles souriants, et qui rendent intéressantes des ruines qui rappellent des événements remontant aux temps des Césars. Un petit détroit de la Méditerranée sépare cette île d’un promontoire escarpé qui s’élève sur le continent voisin. Vient alors une suite de hauteurs et de vallées pittoresques, parsemées de villages et ornées de paysages, tantôt agréables, tantôt imposants, et d’habitations monacales appelées dans la langue du pays camaldoli, jusqu’à ce que la vue atteigne une petite ville située dans une plaine qui s’élève de cent ou deux cents pieds au-dessus du niveau de la mer sur une base de tuf, et dont les maisons s’étendent jusqu’aux pieds des monts sourcilleux qui en bornent l’étendue du côté de la mer. Cette plaine, avec les habitations et les scènes d’une vie animée qu’elle présente, ressemble à une ruche, et les coteaux qui la terminent sont couverts de chaumières et de tous les signes des travaux champêtres. Quittant cette agréable partie de la côte, et suivant toujours les contours de la baie, nous arrivons à une pointe sur laquelle les montagnes deviennent colossales et élèvent leurs sommets en pic à six ou sept mille pieds vers les nuages ; tandis que leurs flancs tantôt sont hérissés de ravins et de précipices, tantôt prennent un air pittoresque, grâce aux tours, aux hameaux et aux monastères qui les couvrent, et que des villes et des villages sont épars sur leurs bases ou plutôt les entourent. Ici, la