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et de sa science, car notre chirurgien-major m’a dit qu’il avait appris à Livourne que le vitché avait toujours en main un livre ou un autre.

Le lieutenant exécuta cet ordre, et fit allusion à la réputation d’érudition d’Andréa, ce qui, dans les circonstances, ne venait pas mal à propos, et ce dont le vice-gouverneur se trouva très-flatté.

— Mes prétentions en littérature ne s’élèvent pas très haut, Signor, répondit Barrofaldi avec un air d’humilité, et je vous prie d’en assurer sir Cuff ; mais le peu de connaissances que j’ai acquises m’ont suffi pour me faire découvrir certaines impostures de ce corsaire qui ont été sur le point de me faire connaître la vérité dans un moment très-critique. Croiriez-vous qu’il a eu l’audace de me faire accroire, à moi, qu’il a existé un célèbre orateur anglais portant le même nom et ayant autant de mérite que le plus grand des orateurs de Rome et de Pompéi — un sir Cicéron ?

— Le fourbe ! s’écria Cuff quand ce nouveau trait d’impudence lui eut été expliqué par Griffin. Je crois que le drôle était capable de tout. Mais c’en est fait de lui à présent, et de tous ses sir Smit et sir Cicéron. — Griffin, apprenez au vitché quel a été le destin de ce baroné.

Griffin raconta alors au vice-gouverneur la manière dont on supposait que le Feu-Follet, Raoul Yvard et tout son équipage avaient péri dans les flammes, comme un nid de chenilles sur un arbre. Andréa Barrofaldi l’écouta avec un degré d’horreur convenable exprimée sur tous ses traits, mais Vito Viti donna des signes d’incrédulité qu’il ne chercha point à cacher. Griffin n’en continua pas moins sa relation, et il la termina en parlant des recherches infructueuses que le capitaine et lui avaient faites pour trouver quelques débris du bâtiment incendié.

Les deux fonctionnaires écoutèrent tout ce récit avec beaucoup d’attention. Ils se regardèrent ensuite l’un l’autre d’un air de surprise et en faisant des signes expressifs. Enfin Andréa se chargea de commencer l’explication.

— Il y a dans tout ceci quelque erreur fort extraordinaire, signor tenente, car Raoul Yvard vit encore ; nous l’avons vu doubler ce promontoire sur son lougre, ce matin à la pointe du jour.

— Oui, dit Cuff lorsque Griffin lui eut traduit ce peu de mots, le vitché a eu cette idée parce qu’il a vu le lougre que nous avons rencontré nous-mêmes ce matin : et je n’en suis pas surpris, car les deux bâtiments se ressemblaient d’une manière étonnante. Mais nous avons vu de nos propres yeux, Griffin, les flammes consumer le baroné, et il ne peut plus flotter sur l’eau. — Je dis le baroné, parce