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une courte distance, et nous allâmes ensuite sous le vent de Capraya, où nous restâmes jusqu’au 22 au matin, après quoi nous retournâmes devant Porto-Ferrajo. Nous retrouvâmes le lougre dans la baie ; et, le connaissant alors pour ce qu’il était, nous lui donnâmes la chasse. Un calme étant survenu, je le fis attaquer par mes canots, sous les ordres de MM. Winchester et Griffin, mes premier et second lieutenants. Après une vive escarmouche dans laquelle nous éprouvâmes quelque perte, quoique évidemment beaucoup moindre que celle des républicains, M. Yvard réussit à s’échapper à la faveur d’une brise qui s’éleva tout à coup. Ayant établi toutes mes voiles, nous nous remîmes en chasse et nous le poursuivîmes jusque dans l’embouchure du Golo, où il jeta l’ancre au milieu de bas-fonds et hors de la portée de nos canons. Ayant heureusement pris une felouque qui avait un chargement de goudron et d’autres combustibles, je résolus d’en faire un brûlot et de détruire ainsi ce bâtiment ennemi. Mon premier lieutenant, M. Winchester, ayant été blessé dans l’attaque des canots, je chargeai le second, M. Griffin, à sa propre demande, de ce service dangereux, et il s’en acquitta, vers dix heures du soir, avec le zèle, le sang-froid et l’intelligence d’un excellent officier. Je joins ici le rapport qu’il me fait de cette affaire, et je demande la permission de le recommander aux bonnes grâces de milords les commissaires de l’amirauté. Ils ont tout lieu d’être également satisfaits de la bonne conduite de M. Winchester, sous un feu très-vif dans la matinée. J’espère que cet estimable officier sera bientôt en état de reprendre son service.

« Permettez-moi, Milord, de vous féliciter de la destruction d’un croiseur si audacieux. Elle a été si complète qu’il ne reste pas un seul fragment de ce bâtiment. Il y a lieu de croire que tout l’équipage a péri. L’humanité peut regretter ce sacrifice de tant d’hommes, mais il a été fait pour le service de notre gouvernement et de la religion. Le lougre était rempli de femmes dissolues, dont l’équipage du brûlot a entendu les chants licencieux et irréligieux en s’en approchant. Je vais longer la côte pour voir si je n’y trouverai pas quelque radeau à la dérive, après quoi je me rendrai à Livourne pour y prendre des rafraîchissements.

« J’ai l’honneur d’être, Milord,

« Le très-obéissant serviteur de Votre Seigneurie,

« Richard Cuff,
« Au contre-amiral, le très-honorable lord Nelson,
duc de Bronté, etc., etc., etc. »