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qu’on l’éveillât à cette heure, et il lui tardait d’avoir une bonne vue de la mer et surtout de la côte. Le rideau commença enfin à se lever lentement ; sa vue s’étendit de plus en plus loin sur la mer, puis sur la rivière, et enfin tout devint visible, et même la terre. Nul bâtiment d’aucune espèce n’était en vue, les restes de la felouque incendiée avaient même disparu ; cependant on les retrouva ensuite dans les brisants où ils avaient été jetés par le courant, mais on ne revit aucun vestige du Feu-Follet. Pas une tente dressée sur le rivage, pas un canot errant sur la mer, pas un mât porté sur l’eau à la dérive, pas le moindre fragment d’une voile. Tout avait sans doute été consumé par la conflagration. En descendant dans sa chambre, Cuff marchait la tête plus haute qu’il ne l’avait fait depuis l’affaire de la matinée précédente, et il ouvrit son pupitre d’un air très-content de lui-même et de ce qu’il avait fait. Cependant un généreux regret se mêlait à son triomphe. C’était beaucoup d’avoir détruit le corsaire le plus redouté qui fût jamais sorti d’un port de France, mais il était pénible de songer qu’il avait fait périr soixante-dix à quatre-vingts hommes, comme autant de chenilles jetées dans le feu. Quoi qu’il en fût, c’était une chose faite, et il fallait rédiger son rapport aux autorités supérieures. Il écrivit donc la lettre suivante à l’officier commandant en chef les forces navales anglaises dans la Méditerranée.


« À bord de la Frégate de Sa Majesté la Proserpine, à la hauteur de l’embouchure du Golo, île de Corse, le 23 Juillet 1799.


« Milord,

« J’ai la satisfaction de vous donner avis, pour l’information de milords les commissaires de l’Amirauté, de la destruction du corsaire républicain le Fiou-Folly, commandé par le fameux Raoul Yvard, dans la nuit du 22 courant. Les détails de ce succès important sont comme il suit : apprenant que ce célèbre écumeur de mer s’était montré sur les côtes du royaume de Naples et des états Romains, et y avait commis beaucoup de déprédations, je remontai le long de la péninsule, gardant la terre en vue, et nous arrivâmes dans le canal de l’île d’Elbe dans la matinée du 21 de ce mois. En découvrant la baie de Porto-Ferrajo, nous y vîmes à l’ancre, près de la ville, un lougre portant le pavillon anglais. Comme c’était un port ami, nous ne pûmes croire que c’était le Fiou-Folly ; cependant, voulant nous en assurer, nous approchâmes et nous lui fîmes des signaux ; mais tandis que nous avancions à l’est, il en profita pour s’échapper le long des rochers et s’enfuit au vent. Nous le poursuivîmes jusqu’à