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davantage ? Vous-même vous pouvez neutraliser le pouvoir de votre grand principe ; vous pouvez empêcher la graine de croître et abattre l’arbre, et si le principe peut être ainsi détruit, quelque accident peut un jour détruire toute la création en en détruisant le principe. — Je n’ose vous parler de la révélation, car je sais que vous vous en moquez.

— Je puis ne pas y croire, chère Ghita ; mais je ne me moque de rien de ce que vous dites et de ce que vous respectez.

— Je vous en remercierais, Raoul, si je ne sentais que ce serait prendre pour moi un hommage qui doit être porté bien plus haut.

— Mais voici ma guitare, et je regrette que l’hymne à la Vierge n’ait pas été chantée ce soir à bord de votre lougre. Vous ne sauriez croire quelle douceur à une hymne quand elle est chantée sur l’eau. Je l’ai entendu chanter par l’équipage de la felouque qui est entre nous et la frégate, tandis que le vôtre chantait une chanson provençale à l’éloge de la beauté d’une femme, au lieu d’élever la voix pour célébrer les louanges du Créateur.

— Vous avez dessein de chanter cette hymne, Ghita, sans quoi vous n’auriez pas apporté votre guitare.

— Oui, Raoul, car j’ai toujours trouvé votre âme attendrie après une musique sainte. Qui sait si la merci de Dieu ne daignera pas un jour faire servir les notes de cette hymne à toucher votre cœur ?

Il y eut une pause d’un moment, et les doigts de Ghita, pinçant légèrement les cordes de son instrument, firent entendre une symphonie solennelle. Vinrent ensuite les doux sons de l’Ave Maria, accompagnés d’une voix mélodieuse qui aurait pu réellement attendrir un cœur de pierre. Napolitaine de naissance, Ghita avait toute la passion de son pays pour la musique, et elle avait appris quelque chose de la science musicale, qui semble innée chez toutes les nations de cette partie du monde. La nature l’avait douée d’une des voix les plus touchantes de son sexe, — d’une voix moins forte que douce et mélodieuse, et elle ne l’employait jamais à des chants religieux sans un léger tremblement qui en augmentait encore le charme, car c’était la sensibilité qui le causait. Tandis qu’elle chantait cette hymne bien connue, elle était animée d’un saint espoir que Dieu, dans ses voies miraculeuses, pourrait faire d’elle un instrument pour la conversion de son amant, et cette pensée doubla son talent. Jamais Ghita n’avait si bien chanté, et ce qui le prouva, c’est qu’Ithuel quitta son poste, et passa sur le gaillard d’arrière, pour mieux l’entendre, et que les deux vigies oublièrent momentanément leurs devoirs pour lui donner toute leur attention.

— Si quelque chose pouvait faire de moi un croyant, Ghita, mur-