Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ayant notre forme ; — que c’est la cause de toutes choses, et non une divinité.

— Qui dit que Dieu soit un être ayant notre forme, Raoul ? Personne ne le sait, — personne ne peut le savoir, — personne ne le dit parmi ceux qui le respectent et qui l’adorent comme ils le doivent.

— Vos prêtres ne disent-ils pas qu’il a créé l’homme à son image ? n’est-ce pas lui avoir donné sa forme et sa ressemblance ?

— Point du tout, mon cher Raoul. C’est l’avoir créé à l’image de son esprit. L’homme a reçu une âme qui partage, quoique à un bien faible degré, l’essence impérissable de Dieu, et c’est en ce sens qu’il a été créé à son image. Personne ne peut avoir osé en dire davantage. Mais quel être que celui qui est le maître de tous ces mondes brillants !

— Ghita, vous connaissez ma manière de penser sur tout cela, et vous savez aussi que je ne voudrais pas dire un seul mot qui pût vous blesser ou vous affliger.

— Ce n’est pas votre manière de penser, Raoul, c’est votre manière de parler qui fait toute la différence entre nous. Nul homme qui pense ne peut douter de l’existence d’un être supérieur à tout ce qui se trouve dans tout l’univers, et qui est le créateur de toutes choses.

— Si vous voulez dire d’un principe, Ghita, j’en conviens avec vous ; mais si vous parlez d’un être, je demande la preuve de son existence. Qu’il existe un principe puissant qui ait créé tous ces astres et placé toutes ces étoiles dans le firmament, c’est ce dont je n’ai jamais douté, car ce serait révoquer en doute un fait que j’ai tous les jours sous les yeux ; mais supposer un être capable de produire tout cela, ce serait croire à un être que je n’ai jamais vu.

— Et pourquoi ne pas supposer qu’un être a pu créer tout cela, aussi bien que ce que vous appelez un principe ?

— Parce que je vois tous les jours des principes au-dessus de mon intelligence à l’œuvre tout autour de moi. — Parce que j’en vois dans cette lourde frégate, qui gémit sous le poids de son artillerie, et qui flotte sur cette eau si légère ; — dans les arbres, qui croissent sur la terre dont nous sommes voisins ; — dans les hommes, les animaux, les oiseaux, les poissons, qui naissent et qui meurent ; mais je ne vois ni ne connais aucun être qui soit en état de faire tout cela.

— C’est parce que vous ne connaissez pas Dieu ; il est le créateur des principes dont vous parlez, et il est infiniment plus puissant que tous vos principes.

— Cela est aisé à dire, Ghita, mais difficile à prouver. Je prends un gland et je le plante dans la terre ; avec le temps il devient une