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vergue et une nouvelle voile à son grand mât avarié. Elles furent bientôt établies l’une et l’autre, et l’on s’occupa sur-le-champ des autres réparations. La supériorité de la marche du lougre était alors si grande qu’on n’y avait plus aucune inquiétude sur le résultat de la chasse ; et Raoul pensa un instant à longer la côte et à gagner Bastia, où il pourrait même se procurer un nouveau grand mât s’il en avait besoin. Mais, en y réfléchissant, il abandonna ce projet comme étant trop hasardeux, et il continua à faire route vers l’embouchure du Golo.

Pendant toute la journée, la Proserpine n’avait hissé aucun pavillon, si ce n’est à l’instant où elle avait envoyé une bordée au lougre, et pendant le combat de courte durée qui avait eu lieu entre ses canots et ce bâtiment. Il en était de même du Feu-Follet ; Raoul n’avait hissé le pavillon tricolore que lorsqu’il avait attaqué la felouque et les canots, et il ne l’avait conservé que jusqu’à ce qu’il n’y eût plus aucune apparence d’un renouvellement d’hostilités. Lorsque les deux navires s’approchèrent de la côte, on vit plusieurs bâtiments côtiers dont les uns luttaient contre le vent d’ouest, tandis que les autres en profitaient ; mais tous semblaient se méfier du lougre, et cherchaient à l’éviter autant qu’ils le pouvaient. Raoul n’y faisait aucune attention, car il savait qu’ils étaient montés par ses compatriotes, à moins que ce ne fussent des contrebandiers, dont la prise lui causerait plus d’embarras qu’elle ne lui rapporterait de profit. La Corse appartenait alors à la France ; la possession temporaire et imparfaite qu’en avaient eue les Anglais avait cessé trois ou quatre ans auparavant. Raoul était donc sûr d’y trouver bon accueil partout où il aborderait, et protection partout où il serait possible de lui en accorder. Tel était l’état des choses, quand, à l’instant où le lougre se préparait à entrer dans les bas-fonds, la Proserpine vira tout à coup vent devant, et parut donner toute son attention aux bâtiments côtiers, dont trois ou quatre étaient si près d’elle qu’elle les captura presque sans qu’ils cherchassent à lui échapper.

Il parut à Raoul et à tout son équipage que les Anglais saisissaient ces malheureux bâtiments uniquement par esprit de vengeance ; car les navires de la force de la Proserpine n’avaient pas coutume de se détourner de leur chemin pour molester de pauvres pêcheurs et des bâtiments côtiers. Il s’ensuivit assez naturellement quelques exécrations contre les Anglais ; mais la nécessité de donner toute son attention aux passes difficiles qui se trouvaient entre les bas-fonds chassa bientôt toute autre pensée de l’esprit du hardi corsaire, et il ne songea plus qu’à ce qui avait rapport à la sûreté de son bâtiment.