Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Un autre coup de sonde, Monsieur ! Dépêchez-vous, mon brave ! dépêchez-vous !

À peine finissait-il de parler qu’il entendit la réponse : — Six brasses !

— Pare à virer ! s’écria Cuff ; veillez à ce que rien ne gêne la manœuvre, Messieurs ! Plus d’activité que cela, mes enfants, plus d’activité !

— Quatre brasses et demie !

— Attention ! Que diable faites-vous sur ce gaillard d’avant, Monsieur ?

— Êtes-vous prêts sur l’avant ?

— Nous le sommes tous, capitaine.

— La barre sous le vent ; la barre toute sous le vent !

— Neuf brasses !

— Rencontrez ! la barre au vent ! amurez et bardez la misaine ! mollissez l’écoute de la brigantine et les boulines de l’arrière. Comme cela ! Bien ! bien ! Elle a tourné comme une toupie ; mais, par Jupiter, nous la tenons, Messieurs. Halez les boulines partout. Que dit la sonde à présent ?

— Point de fond à quinze brasses, capitaine. Nous n’avons rien eu de mieux de toute la journée.

— Comme cela ! vos voiles sont bien pleines ; n’arrivez pas de là. Très-bien ! continuez comme cela. Eh bien ! Griffin ! par le ciel, nous l’avons frisé de près. Quatre brasses et demie commençaient à avoir quelque chose d’inquiétant dans une partie du globe où un rocher ne se gêne pas pour lever le nez à quinze ou vingt pieds tout d’un coup et se montrer à un marin. Mais nous avons passé la pointe, et voici la terre qui s’incline au sud, comme un homme attaqué de consomption, sous le vent de notre frégate. Je ne voudrais pas me retrouver dans une nasse si infernale pour une douzaine de Raoul Yvard.

— Un danger passé n’en est plus un, capitaine, dit Griffin en riant. Ne croyez-vous pas, capitaine, que nous pourrions laisser porter d’environ un demi-quart ? Ce serait précisément la bonne allure de la frégate, et je vois que le lougre navigue avec un peu de largue dans ses voiles, pour ménager son grand mât, à ce que je soupçonne. Je suis sûr d’en avoir vu voler des éclats, quand nous l’avons régalé d’une dose de vingt-deux pilules.

— Vous pouvez avoir raison, monsieur Griffin. Mollissez un peu la barre, monsieur Yelverton. Si maître Yvard continue sa route actuelle une heure de plus, Biguglia se trouvera trop au vent pour qu’il puisse y arriver ; et quant à Bastia, il n’a jamais pu en être ques-