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sur leur tête. Heureusement le lougre ne reçut aucune avarie dans sa coque, mais il en souffrit de fortes dans sa voilure et sa mâture. Le mât de tape-cul fut coupé en deux et sauta en l’air comme la tige d’une pipe ; le grand mât reçut une grave blessure au-dessous des jottereaux, et sa vergue fut brisée à la drisse ; six boulets traversèrent les deux principales voiles, laissant dans la toile des trous qui la faisaient ressembler à la chemise d’un mendiant, et l’étai de misaine fut coupé. Personne ne fut blessé, mais, pendant un instant, chacun fut consterné, comme si le lougre eût été frappé tout à coup de destruction. Ce fut alors que Raoul se montra tel qu’il était. Il savait fort bien qu’il ne pouvait en ce moment diminuer de voiles d’un seul pied, et que tout dépendait des dix minutes qui allaient suivre. On ne s’occupa donc d’aucune des réparations à faire à la voilure et à la mâture ; se fiant à la faible brise qu’on avait, et qui ordinairement commençait par avoir peu de force, il mit sur-le-champ du monde à l’ouvrage pour préparer un nouvel étai de misaine ; la grande vergue de rechange et la grande voile de rechange furent disposées pour être mises en place, dès qu’on serait assuré que le grand mât avarié était encore en état de les recevoir. Des préparatifs à peu près semblables furent faits pour le mât de misaine, afin de déverguer la misaine avariée, et de la remplacer par une de rechange, la vergue de misaine n’étant pas endommagée.

Heureusement, le capitaine Cuff résolut de ne pas perdre plus de temps en canonnades, et, mettant le vent dans son petit hunier, la frégate vint rapidement au vent, et en trois minutes toutes ses voiles furent orientées au plus près. Pendant tout ce temps le Feu-Follet n’était pas resté stationnaire. Ses voiles battaient contre les mâts, mais elles tenaient bon, et ses mâts eux-mêmes se maintenaient à leur place, tout avariés qu’ils étaient. En un mot, le vent n’était pas encore assez fort pour déchirer les unes et faire tomber les autres. Il était aussi fort heureux que par suite de ces accidents, et surtout de la perte de son mât de tape-cul, le Feu-Follet fût moins ardent qu’il ne l’aurait été sans cela, puisque, en se tenant directement dans la direction de la route de la Proserpine, il était moins exposé à ses canons de chasse qu’il ne l’aurait été si elle l’avait tenu par l’un ou l’autre de ses bossoirs. Raoul fut bientôt convaincu de cette vérité, la frégate commençant à faire feu de ses canons de bossoirs aussitôt qu’elle vint au vent ; mais ni les uns ni les autres ne portaient exactement, les uns portant un peu trop au vent, et les autres d’autant en sens contraire. Ce fut par là que le jeune Français eut bientôt la satisfaction de voir que le lougre, malgré ses avaries, gagnait de la dis-