Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec la lampe et les feux de conserve, et la frégate y ayant répondu, j’étais convaincu que tout allait bien, quand…

— Et qui a fait partir ces fusées ici — à l’endroit où nous sommes en ce moment ? Elles m’ont trompé ; car j’ai cru que c’étaient des signaux de présence que me faisait, soit le Weasel, soit le Sparrow. Quand je vis ces fusées, je me crus aussi sûr du Fiou-Folly que je le suis de ma propre frégate.

— Oui, capitaine, ce sont ces fusées qui ont fait tout le mal ; car j’ai appris ensuite que, dès que la première eut été lancée, Raoul Yvard leva l’ancre, et sortit de la baie à aussi petit bruit que lorsqu’on sort d’un salon sans vouloir déranger la compagnie.

— Oui, il prit congé à la française, le sans-culotte, s’écria le capitaine, dont ce sarcasme adoucit la mauvaise humeur. Mais vous, Griffin, n’avez-vous rien vu de tout cela ?

— Je n’appris cette affaire, capitaine, qu’en voyant le lougre filer le long des rochers, et en étant si près qu’on aurait pu y sauter ; mais il était trop tard. Avant que ces fainéants de far-nientés eussent eu tout le loisir de charger, bourrer, amorcer et pointer leurs pièces, il était hors de portée du canon.

— Fainéants quoi ? demanda le capitaine.

Far-nientés. Vous savez que c’est un sobriquet que nous donnons à ces faiseurs de sieste.

— Je ne sais rien de cela, monsieur Griffin, et je vous serai fort obligé de me parler toujours anglais. C’est une langue que je me flatte de savoir, et elle suffit à tous mes besoins.

— Et à ceux de tout le monde, capitaine. Je regrette de savoir l’italien, car sans cela je n’aurais pas eu ce déboire.

— Bon ! bon ! Griffin ! quand une chose se présente par le mauvais bout, il ne faut pas la prendre tant à cœur. Venez dîner avec moi aujourd’hui, et nous causerons à loisir de cette affaire.


CHAPITRE IX.


« Maintenant, au milieu des ardeurs de midi, la mer tranquille et brillante se soulève lentement, car les vents errants qui la couvraient d’écume sont morts. Le vaisseau solitaire roule pesamment, et les voiles battent contre les mâts. Le plus léger son n’est pas perdu pour l’oreille, et les moindres choses attirent l’œil observateur.
Richardson.



Ainsi se termina cette mercuriale, comme la plupart de celles du capitaine Cuff, qui finissaient toujours par son retour à la bonhomie