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facilement. Voici encore plusieurs pièces qui m’ont été remises par le capitaine Cuff, et je crois que leur lecture ne vous laissera rien à désirer.

Andréa Barrofaldi examina tous ces documents avec le plus grand soin. Ils étaient de nature à écarter tous les doutes, et il était impossible de se méfier de l’officier qui les présentait. C’était un grand pas de fait pour convaincre sir Smit d’imposture ; le vice-gouverneur et le podestat dirent pourtant qu’il pouvait se faire que le capitaine Cuff se trompât sur l’identité du lougre.

— Cela est impossible, Signori, répondit le lieutenant ; nous connaissons tous les croiseurs anglais qui se trouvent dans ces mers, par nom et signalement, et même la plupart de vue. — Ce lougre n’en fait point partie ; et tout ce que j’y vois, mais surtout son allure, trahit son véritable nom. On nous a assuré qu’il se trouve dans son équipage un homme qui a déserté du nôtre, un certain Ithuel Bolt, qui…

Cospetto ! s’écria le podestat, ce sir Smit n’est donc qu’un imposteur, après tout. — C’est l’homme que nous avons vu hier chez Benedetta, vice-gouverneur ; — un Américain, n’est-il pas vrai, signor tenente ?

— Le drôle prétend l’être, du moins, répondit le jeune lieutenant en rougissant, car il lui répugnait d’avouer l’injustice qui avait été faite au déserteur. Mais la plupart des matelots anglais qu’on rencontre aujourd’hui se disent Américains, afin de se dispenser de servir Sa Majesté. Je crois plutôt qu’il est né dans le Cornouaille ou le Devonshire, car il a l’accent nasal et chantant de cette partie de notre île. Mais quand il serait Américain, nous aurions plus de droits à ses services que les Français, puisqu’il parle la même langue que nous, et qu’il est issu de la même souche d’ancêtres. Il est contre nature qu’un Américain serve une autre puissance que l’Angleterre !

— Je ne savais pas cela, vice-gouverneur, dit Vito Viti ; je croyais que les Américains étaient un peuple généralement très-inférieur à nous autres Européens, et qu’ils ne pouvaient prétendre à être nos égaux sous aucun rapport.

— Vous ne vous trompez pas, Signor, s’écria le lieutenant anglais avec vivacité. Ils sont tout ce que vous les croyez être, et il ne faut qu’un coup d’œil pour le voir. — Nous les appelons, dans notre service, des Anglais dégénérés.

— Et pourtant vous les y recevez volontiers, dit Andréa d’un ton sec ; et j’ai appris de cet Ithuello que vous les forciez même fréquemment à y entrer contre leur gré.