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Le vice-gouverneur prit le papier, et lut tout haut : — Edward Griffin, tenente della marina inglesa.

— Ah ! c’est un officier qui nous apporte quelques nouvelles du Ving-y-Ving, ami Vito. Je suis charmé que vous soyez encore ici pour entendre ce qu’il a à nous dire. — Faites entrer le tenente, Pietro.

Un seul coup d’œil aurait suffi à un homme qui aurait connu les Anglais mieux qu’Andréa Barrofaldi, pour être convaincu que celui qui se présentait était réellement né en Angleterre. C’était un jeune homme de vingt-deux à vingt-trois ans, ayant le visage rond, les joues vermeilles et un air de bonne humeur, portant le petit uniforme du service auquel il disait appartenir, et dont l’air et les manières annonçaient la profession aussi bien que le pays. Il s’exprimait en fort bon italien, car cette langue lui était familière, et c’était pour cette raison qu’il avait été choisi pour la mission qu’il remplissait. Après avoir salué le vice-gouverneur, il lui dit en lui présentant une feuille de parchemin :

— Si vous savez l’anglais, Signor, vous allez voir que je suis réellement ce que je me dis être.

— Sans contredit, signor tenente : vous appartenez au Ving-y-Ving, et vous servez sous les ordres de sir Smit.

Le jeune homme parut surpris, et même disposé à rire, mais un sentiment de décorum le mit en état de résister à ce désir.

— J’appartiens au bâtiment de Sa Majesté britannique la Proserpine, Signor, et je ne sais ce que vous voulez dire par le Ving-y-Ving, répondit-il d’un ton un peu sec. Le capitaine Cuff, commandant cette frégate que vous avez vue ce matin à la hauteur de votre havre, m’a envoyé à bord de la felouque qui vient d’y entrer ce soir, pour vous apporter des nouvelles du lougre auquel nous avons donné la chasse vers le sud, ce matin à neuf heures, et que je revois en ce moment tranquille et mouillé dans votre baie. La Proserpine était à l’ancre derrière Capraya quand je l’ai quittée, mais elle sera ici pour me reprendre et savoir les nouvelles avant le point du jour, pour peu qu’il y ait de vent.

Andréa Barrofaldi et Vito Viti se regardèrent en ouvrant de grands yeux, comme si un messager sorti des régions inférieures fût arrivé pour les enlever et leur faire subir la peine de leurs méfaits. Le lieutenant parlait parfaitement l’italien pour un étranger, et ses manières annonçaient tant de droiture et de franchise, qu’elles portaient toutes les apparences de la vérité.

— Et vous ne savez ce que je veux dire par le Ving-y-Ving ? dit le vice-gouverneur avec un ton d’emphase.