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n’avait pas encore été adopté dans toute son étendue. Cet édifice, de la grandeur des maisons de campagne du premier ordre dans les États-Unis, était alors, comme il l’est aujourd’hui, occupé par le gouverneur florentin de la partie de l’île dépendant de la Toscane. Il est situé sur l’extrémité d’un promontoire rocailleux peu élevé ; formant le boulevard occidental d’une baie profonde, sur un côté duquel ; et convenablement caché derrière un demi-cercle de rochers inclinant à l’ouest en forme de croissant, se trouve un petit port, complètement invisible du côté de la mer, comme s’il eût craint les visites semblables à celles qu’on pouvait attendre de bâtiments du même genre que l’étranger suspect. Ce petit port, qui avait moins d’étendue qu’un bassin moderne : dans des places comme Londres et Liverpool, était suffisamment protégé contre tous dangers probables par des batteries ; et quant aux éléments, un bâtiment placé sur une tablette dans un cabinet aurait à peine été plus en sûreté. Dans ce petit bassin domestique, qui, à l’exception de son étroite entrée, était complètement entourée d’édifices, se trouvaient alors quelques felouques qui faisaient le commerce entre l’île et la côte adjacente de l’Italie, et un seul bâtiment autrichien, qui était venu du bout de la mer Adriatique pour prendre un chargement de fer, comme on le prétendait ; mais autant pour avoir l’air de commercer avec une dépendance de l’Italie, que dans aucun autre dessein.

Dans le moment dont nous parlons, on ne voyait pourtant qu’une douzaine d’individus autour de ces maisons, ou dans les environs. La nouvelle qu’un lougre étranger tel que celui que nous venons de décrire se montrait au large, avait attiré tous les marins sur le rivage ; et la plupart des habitués du port les avaient suivis en montant les larges marches des rues tortueuses qui conduisaient sur les hauteurs derrière la ville, ou sur l’élévation rocailleuse d’où l’on découvrait la mer, du nord-est à l’ouest. L’approche du lougre avait produit sur les simples marins de ce port peu fréquenté à peu près le même effet que la vue d’un faucon sur les habitants emplumés et timides d’une basse-cour. Le gréement de ce bâtiment, circonstance suspecte en elle-même, avait été remarqué deux heures auparavant par une couple de pilotes côtiers qui passaient habituellement leurs moments de loisir sur les hauteurs, examinant les signes du temps et conversant ensemble ; et les conjectures auxquelles ils se livraient en ce moment avaient attiré sur la promenade de Porto-Ferrajo une vingtaine d’hommes qui s’imaginaient être ou qui étaient véritablement des connaisseurs en tout ce qui concerne la mer. Cependant lorsqu’on put bien distinguer la coque basse, longue et noire qui