LES
DEUX AMIRAUX
CHAPITRE PREMIER.
es événements que nous allons rapporter sont arrivés vers le milieu
du dernier siècle, antérieurement à cette lutte qu’il est à la
mode d’appeler, en Amérique, — l’ancienne guerre contre la France. —
La scène qui ouvrira notre histoire doit pourtant se chercher dans
l’autre hémisphère, et sur la côte de la mère-patrie. Au milieu du
xviiie siècle, les colonies américaines étaient des modèles de loyauté.
La guerre à laquelle il vient d’être fait allusion avait été cause des
dépenses considérables qui avaient porté le ministère anglais à avoir
recours au système de taxes qui amena la révolution. La querelle de
famille n’était pas encore commencée. Entièrement occupés d’une
guerre qui ne se termina pas plus glorieusement pour les armes britanniques
qu’avantageusement pour les possessions anglaises en Amérique,
les habitants des colonies n’avaient peut-être jamais été plus
favorablement disposés à l’égard de la métropole qu’à l’instant où notre
histoire va commencer. Toutes leurs anciennes prédilections, bien loin
de s’affaiblir, semblaient prendre de la force, et, de même que dans la
nature on sait que le calme succède à la tempête, l’attachement aveugle
des colonies à la métropole n’était que le précurseur du mécontentement
et de la désunion violente qui devait bientôt avoir lieu.