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port ; car, quoi qu’il puisse arriver, il faut que Monsieur[1] reste chez lui.

— Je crois qu’il vaudrait mieux l’en laisser sortir ; car notre chance sur mer est pour le moins aussi bonne que la sienne. Je n’aime pas les blocus ; c’est une manière de faire la guerre qui ne me paraît pas

— Au fond, Dick, vous avez assez raison, dit sir Gervais en riant.

— Oui, Oakes, et j’espère bien que le premier lord de l’amirauté ne chargera pas un homme comme vous, si capable, sous tous les rapports, de rendre bon compte d’une escadre ennemie, du devoir d’un misérable blocus.

— Un homme comme moi ! Pourquoi un homme comme moi ! J’espère bien qu’on me laissera l’avantage de la compagnie, des avis et de l’assistance de l’amiral Bluewater.

— Un inférieur ne peut jamais savoir, sir Gervais, où le bon plaisir de ses supérieurs peut l’envoyer.

— Je crains, Bluewater, que cette distinction entre inférieur et supérieur ne vous jette un jour dans un maudit embarras. Si vous considérez Charles Stuart comme votre souverain, il n’est pas probable que vous ayez beaucoup de respect pour les ordres qui vous seront donnés par un serviteur du roi George. J’espère que vous ne ferez rien à la hâte, ou sans consulter votre plus ancien et votre plus sincère ami.

— Vous connaissez mes sentiments, et il est inutile de revenir en ce moment sur ce sujet. Tant qu’il y a eu guerre entre mon pays et une nation étrangère, j’ai pu servir dans la marine anglaise ; mais quand mon prince légitime ou son fils vient de cette manière chevaleresque se jeter en quelque sorte dans les bras de ses sujets, en confiant tout à leur loyauté et à leur courage, c’est un appel à tous les nobles sentiments de l’homme, et il est difficile de ne pas y répondre. Je me serais joint de bon cœur à Norris pour disperser la flotte que Louis XV envoyait contre nous ; mais ici tout est anglais de part et d’autre, et la querelle est d’Anglais à Anglais. Comme sujet loyal de mon prince héréditaire, je ne vois pas que je puisse me dispenser de rejoindre son étendard.

— Et voudriez-vous, Dick, vous qui, à ma connaissance, êtes entré dans la marine à l’âge de douze ans, et qui pendant plus de quarante ans avez servi, corps et âme à bord d’un bâtiment de guerre, voudriez-vous, dis-je, changer, l’habit bleu de mer qui vous a si long-

  1. Ce mot — Monsieur — est employé pour désigner les Français.