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de lourdes diligences, de carrosses à six chevaux et de chaises de poste attelées de quatre, et non d’une ère de routes mac-adamisées, et de voitures volant à l’aide de la vapeur. On peut aujourd’hui partir le matin pour aller dîner à soixante ou quatre-vingts milles, et cela seulement avec une seule paire de chevaux ; mais en 1745, il aurait fallu pour cela partir au moins la veille, et dans bien des parties de l’Angleterre il aurait été plus sage de prendre deux jours d’avance. L’Écosse était alors, par le fait, plus loin du Devonshire que Genève n’en est à présent. Il n’était donc pas étonnant qu’un jacobite qui se rendait en poste à sa maison de campagne, — foyer de l’influence et de l’autorité d’un propriétaire anglais, — porteur de nouvelles qui lui avaient été transmises par l’activité du zèle de partisans politiques eût précédé de plusieurs heures la marche plus régulière et plus lente de la malle. Le peu de mots que cet individu, ou plutôt ses domestiques, avaient, laissé échapper, — car le maître était personnellement assez discret, et il n’avait fait part de ses nouvelles qu’à un ou deux amis particuliers à chaque relais, — ne les avaient fait connaître au monde ni complétement ni d’une manière très-claire. Le jeune lieutenant avait fait ses enquêtes avec intelligence, et il avait montré la prudence d’un officier mûri par l’âge, en réservant exclusivement tout ce qu’il avait appris pour l’oreille du commandant en chef de l’escadre. Quand sir Gervais eut rejoint la compagnie réunie dans le salon, il vit que sir Wycherly ne savait rien de ce qui venait de se passer dans le nord, et un coup d’œil qu’il lança à Wychecombe avait pour but de lui faire entendre qu’il était satisfait de sa discrétion. Dans le fait, la réserve du jeune officier contribua plus à l’élever dans l’opinion du vice-amiral, qui était toujours lui-même plein de circonspection, que le trait de bravoure auquel il avait dû si récemment son brevet de lieutenant : car on trouve beaucoup d’hommes braves ; mais très-peu, dans une circonstance comme celle dont il s’agissait, auraient montré cette prudence et cet empire sur soi-même qui peuvent mériter assez de confiance à un officier pour qu’on le charge d’affaires publiques importantes. Cependant l’approbation que sir Gervais donnait à la discrétion de Wychecombe, et qu’il désirait lui manifester, n’était qu’une affaire de principe, car il ne voyait aucune raison pour garder le secret sur cette nouvelle à l’égard d’un tory aussi prononcé que son hôte. Au contraire, plus ces opinions, que l’un et l’autre étaient disposés à appeler saines, seraient vite promulguées, plus la bonne cause y gagnerait. Le vice-amiral résolut donc de communiquer lui-même à toute la compagnie, dès qu’on serait à table, le secret qu’il savait si bon gré au lieutenant d’avoir gardé.