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les mêmes ; mais en tout ce qui concerne la confiance de l’ignorance, les menaces de la férocité, et l’égoïsme à demi déguisé sous le voile du patriotisme, l’Angleterre des premiers whigs et tories était l’Angleterre du conservatisme et de la réforme ; et l’Amérique de 1776, l’Amérique de 1841.

Néanmoins, dans les luttes politiques, des milliers d’hommes agissent toujours avec les meilleures intentions, quoique en opposition acharnée les uns contre les autres. Quand le préjugé devient le stimulant de l’ignorance, on ne peut espérer d’autre résultat et l’expérience du monde, dans la conduite des affaires humaines, n’a laissé à l’homme juste et intelligent qu’une conclusion à tirer, en récompense des peines et des châtiments à l’aide desquels on effectue les révolutions politiques, et c’est la conviction qu’on ne peut établir aucune constitution sans reconnaître, après un court essai, que l’adresse de ceux à qui le pouvoir a été confié l’a fait dévier de ce qui était son premier but. En un mot, autant la constitution physique de l’homme tend à la décrépitude et à la faiblesse, et exige impérieusement un nouvel être et une nouvelle existence pour qu’il puisse remplir le but de sa création ; autant les constitutions morales qui sont les fruits de sa sagesse, contiennent de germes d’abus et de décadence dont l’égoïsme des hommes favorise la croissance, de même que l’indulgence qu’ils ont pour leurs passions aide le cours de la nature et accélère la mort. Ainsi, tandis que, d’une part, il se trouve un stimulant constant d’abus et d’espérances pour nous faire désirer des modifications à la charpente de la société, de l’autre, l’expérience des siècles démontre leur insuffisance pour produire l’état de bonheur auquel nous aspirons. Si le monde fait des progrès du côté de la civilisation et de l’humanité, c’est parce que les connaissances produisent des fruits dans tous les sols, quels que soient leur culture et leur perfectionnement.

Sir Gervais Oakes et le contre-amiral Bluewater croyaient être uniquement gouvernés par leurs principes en cédant au penchant que chacun d’eux éprouvait pour les prétentions opposées des maisons de Brunswick et de Stuart. Dans le fait, il n’existait peut-être pas en Angleterre deux hommes qui cédassent moins à l’influence de motifs qu’ils auraient dû rougir d’avouer ; cependant, quoiqu’ils pensassent de même sur presque tous les autres objets, on a vu qu’ils avaient une opinion diamétralement opposée sur celui-ci. Pendant bien des années qu’ils avaient servi ensemble, et qu’ils avaient eu à remplir des devoirs difficiles et délicats, la jalousie, la méfiance et le mécontentement n’étaient jamais entrés dans leur cœur, car chacun d’eux sen-