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— Eh bien ! Bluewater, continua-t-il dès que Wychecombe se fut retiré ; voilà une grande nouvelle, bien certainement.

— Oui, sans doute, et je suppose que les dépêches que vous venez d’envoyer à l’amirauté y ont quelque rapport ; car vous n’avez point paru très-surpris, s’il faut que je dise la vérité.

— Je n’en disconviens pas. Vous savez comme notre agent à Bordeaux nous a bien servis pendant notre dernière croisière dans la baie de Biscaye. Il m’a envoyé des détails si précis et si clairs du projet de cette expédition, que j’ai cru devoir ramener sur-le-champ la flotte dans le nord, afin qu’on pût l’employer comme les circonstances l’exigeraient.

— Dieu merci, il y a loin d’ici en Écosse, et il n’est pas probable que nous puissions atteindre les côtes de ce pays avant que tout soit terminé. Je voudrais que nous eussions demandé à ce jeune homme combien de bâtiments de guerre et quel nombre de troupes de terre ont accompagné le jeune prince. Le ferai-je prier de revenir, afin de lui faire cette question ?

— Il vaut mieux que vous restiez passif, amiral Bluewater. Je vous promets qu’à présent vous saurez tout ce que j’apprendrai de cette affaire ; et, vu les circonstances, je crois que cela doit vous suffire.

Les deux amiraux se séparèrent, mais ni l’un ni l’autre n’alla sur-le-champ rejoindre la compagnie. La nouvelle qu’ils venaient d’apprendre était trop importante pour qu’elle ne leur donnât pas à réfléchir, et chacun d’eux passa un bon quart d’heure à se promener dans sa chambre, pour songer aux suites que cet événement pourrait avoir pour le pays et pour lui-même. Sir Gervais Oakes s’attendait à quelque tentative de ce genre, et il fut par conséquent beaucoup moins surpris que son ami ; cependant il regardait cette crise comme extrêmement sérieuse, et comme pouvant anéantir la prospérité nationale et la paix de bien des familles. Il y avait alors en Angleterre, comme il y a toujours eu, et comme il y aura probablement dans tous les temps, deux partis bien prononcés, dont l’un tenait opiniâtrement au passé et à ses priviléges héréditaires et exclusifs, tandis que l’autre voyait en perspective dans le changement qui était survenu des avantages et des honneurs. La religion, dans ce siècle, était le cheval de bataille des politiques, comme la liberté d’un côté, et l’ordre de l’autre, le sont dans celui où nous vivons. Les hommes étaient aussi aveugles, aussi impétueux, aussi dépourvus de principes, en embrassant un parti au milieu du xviiie siècle, que nous voyons qu’ils le sont encore au milieu du xixe. Il est vrai que la manière d’agir, les mots d’ordre et les points de ralliement, n’étaient pas tout à fait