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sir Gervais, et je n’attendais que votre permission pour vous conter toute mon histoire. Tandis que j’attendais pour voir partir la malle avec vos dépêches, et pour laisser à mon cheval le temps de se reposer, une chaise de poste s’arrêta à la porte de l’auberge, conduisant à sa maison de campagne, à environ trente milles plus à l’ouest, un homme fortement soupçonné d’être jacobite. Il en descendit, entra, dans l’auberge et y eut un entretien secret avec un individu connu pour appartenir au même parti. Tant de messages furent envoyés de différents côtés, que je ne pus m’empêcher de soupçonner qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire. Étant allé à l’écurie, pour voir si l’on avait eu soin du cheval de chasse de sir Wycherly, car je sais qu’il attache un grand prix à cet animal, j’y trouvai le domestique de l’étranger, causant avec le garçon d’écurie ; mais en ce moment on appela le premier, parce que son maître allait se remettre en route, et lorsqu’il fut parti, le second me dit qu’il était arrivé une grande nouvelle à Exeter avant que le voyageur eût quitté cette ville, et que cette nouvelle était que Charley n’était plus au-delà de l’eau[1]. Il était inutile de questionner un garçon d’écurie stupide, et quoique tout le monde dans l’auberge eût remarqué les manières étranges du voyageur et de son ami, personne ne pouvait dire rien de positif. D’après toutes ces circonstances, je me jetai dans la chaise de poste vide qui retournait Exeter, j’allai jusqu’à Fowey, et j’y appris la nouvelle importante que le prince Charles est réellement débarqué sur nos côtes, et qu’il lève en ce moment sa bannière en Écosse.

— Le Prétendant est donc encore une fois parmi nous ! s’écria sir Gervais du ton d’un homme qui avait déjà à demi deviné la vérité.

— Non pas le Prétendant, sir Gervais, si j’ai bien compris la nouvelle, mais son fils le prince Charles-Édouard qui paraît homme à donner au royaume plus de fil à retordre. Le fait me paraît certain, et comme j’ai pensé qu’il pouvait être important au commandant en chef d’une si belle escadre que celle qui est en ce moment à l’ancre sous le promontoire de Wychecombe d’en être instruit, je n’ai pas perdu un instant pour venir lui apporter cette nouvelle.

— Vous avez très-bien agi, jeune homme, et vous avez prouvé que l’usage d’une saine discrétion est aussi utile et aussi respectable dans un lieutenant, qu’il pourrait l’être dans l’amiral en chef de l’escadre blanche. Allez maintenant, et faites une toilette qui vous rende digne de prendre place à table à côté d’une des plus aimables filles de toute l’Angleterre ; j’espère vous y voir dans un quart d’heure.

  1. Parodie d’une chanson jacobite écossaise.